Départ imminent du président ou élections générales, quelle est la meilleure voie pour le pays ?

L’ancien candidat au sénat, Lonick Léandre, réclame dans la stabilité politique, des élections générales et non une transition politique en février 2021 provoquée par un départ forcé du président Jovenel Moïse.

Qui veut la peau du Premier Ministre Joseph Jouthe ?

Depuis quelques jours, refait surface dans l’actualité la question électorale qui est un casse-tête de l’apprentissage démocratique haïtien au lieu d’en être le pilier. Rosny Desroches a défendu le respect du mandat présidentiel qui devra prendre fin, selon lui, le 7 février 2022. L’ancien sénateur Kely Bastien, recadrant le professeur Rosny Desroches, dit-on, et se servant du fameux article 134.2 de la Constitution de 1987 amendée, fixa la fin du mandat du président Moise au 7 février 2021.

Les rebondissements vont sans doute continuer jusqu’à l’épuisement d’un débat qui n’est que creux et inutile n’étant qu’un vrai faux débat, et ceci pour ces deux principales raisons : Premièrement, l’interprétation de l’article constitutionnel 134.2, selon laquelle le président doit partir le 7 février 2021, est clairement erronée; deuxièmement, la bonne question n’est pas de savoir si Jovenel Moise part le 7 février 2021 ou non quand l’intérêt national doit être de se préoccuper pour le remplacer par un président élu et doter le pays d’un personnel politique totalement renouvelé par des élections démocratiques réussies.

Mais d’abord, que dit l’article 134.2 de la Constitution de 1987 amendée ? Il dit précisément ce qui suit et je cite : « L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel. Le président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection ».

Et quels sont les faits ?

Suivant formellement les conclusions du rapport de la commission de vérification électorale, le président du conseil électoral provisoire, Monsieur Léopold Berlanger, déclara le 6 juin 2016 l’annulation du scrutin du 25 octobre 2015 annonçantdu même coup que les deux tours de la présidentielle auront lieu le 9 octobre 2016 et le 8 janvier 2017. Les élections prévues pour octobre ont finalement eu lieu le 20 novembre 2016 et Jovenel Moise en sortit vainqueur dès le premier tour avec 55,6 % des voix.

Le second tour qui avait été prévu pour le 29 janvier 2017 n’a donc eu aucune raison d’avoir lieu. Tel que prévu par l’article 134.2 de la Constitution, le président a pris fonction le 7 février 2017 suivant la date de son élection pour un mandat de cinq ans qui devra donc prendre fin, en toute logique rationnelle,le 7 février 2022, date à laquelle un nouveau président issu des élections à réaliser en octobre 2021 devra le remplacer.

Se demander si Jovenel Moise doit partir le 7 février 2021 ou le 7 février 2022 est donc encore une fois un faux débat qui cache une intention démocratiquement impure. Car, il est clair que demander le départ du président pour février 2021 veut en faitdire, le cas échéant, qu’on veut le remplacer provisoirement par un pouvoir de transition. Vu le délai restant et les conjonctures, des élections présidentielles ne pourront pas avoir lieu à la fin de cette année 2020.

La question du mandat de Jovenel trahit en conséquence, si ne met à nu, une triste obsession de notre classe politique vivant malheureusement « de » la politique donc constamment assoiffée de pouvoir pour le pouvoir et non pas pour des résultats.

Aujourd’hui, malgré les énormes défis à surmonter, notamment ceux de la crise sanitaire et de l’effondrement économique, le pays fonctionne seulement avec 10 élus : 9 sénateurs et un président de la République. Pas de maires, ni de CASEC, ni de députés élus pour l’ensemble du territoire. Le vide politique institutionnel est manifeste. Mais, ce déficit de leadership légitime ne semble révolter aucune bonne conscience parmi les acteurs de l’opposition politique.

Provoquer l’avènement d’un pouvoir de transition pour empêcher le pouvoir de réaliser des élections pour ses poulains est la logique politico-politicienne qui fait école depuis un certain temps. Que de tristesse et de manque de vision pour des aspirants dirigeants qu’il faut aussi compter pour la plupart, et c’est le plus triste, parmi d’anciens dirigeants aussi inefficaces qu’improductifs.

En fin de compte, faut-il encore redire que rien ne sert de préparer l’opinion publique par de vieux artifices pseudo-juridiques afin d’obtenir l’adhésion de la population aux mouvements politiques qui chercheront bientôt à précipiter le départ du président. L’intelligence politique, à mon humble avis,ne serait-elle pas de chercher plutôt à faire de l’année 2021 la grande année électorale et non celle d’une incertaine transition politique, souvent source de gabegies administratives faites au détriment des intérêts collectifs ?

Évidemment, ce n’est que dans la stabilité politique qu’on pourra mettre le savoir-faire des acteurs politiques au service du développement national. Entre le départ imminent du président et des élections générales, quelques-uns pourront toujours profiter du premier scénario mais l’idéal pour le pays tout compte fait sera la voie électorale qui servira à rendre à nos institutions démocratiques leur cadre régulier et légal de fonctionnement.

Il est crucial aujourd’hui de choisir la voie des élections, car toute la question est là. C’est l’option qui saura nous aider à sortir de la voie des vieilles habitudes de la malice politique pour reprendre la route de la construction démocratique du pays dont on rêvait à la veille de février 1986. Un secteur dit démocratique, par exemple, devrait en être pleinement conscient.

Twitter: @LonickLeandre

 

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