Gangrène, amputation et superinfection: Arnel Joseph fait-il face à la mort?


Par prescience de médecin, je peux pronostiquer que le présumé chef de gang est en difficulté et son état de santé se détériore. Les traumatismes et la violence constituent une menace grave pour la santé publique en Haiti. Ils affectent plus particulièrement les jeunes et les quartiers paupérisés en ces temps de troubles politiques.

N’étant pas en guerre, les blessures balistiques sont actuellement des plus fréquentes dans le pays à cause de la prolifération des gangs armés. Selon les estimations de Médecins sans Frontières, un nombre impressionnant de 237 blessés par balles ont été recensés au cours des trois (3) premiers mois de l’année au Centre d’Urgence situé à Martissant, soit deux fois plus de cas enregistrés qu’en 2018 pour la même période.

Les lésions par balle sont autant une pathologie de la capitale comme les villes de province. La prévention de l’infection dans ces types de blessures est un élément essentiel dans leur prise en charge. Arnel Joseph avait fait venir un médecin pour lui prodiguer des soins de santé après avoir été percuté par un projectile dans un échange sanglant avec un autre groupe armé de la région de l’Artibonite. Il est évident, par la présentation d’une peau noire et desséchée, qu’il a développé une gangrène sèche due à la destruction des tissus et au ralentissement prolongé de la circulation sanguine artérielle. La première apparition du terme ‘’ Gangrene’’ semble être en Angleterre au XVIe siècle et Shakespeare le cite dans un ver de Coriolan. On parle d’une balle «montee», ce que la médecine conventionnelle ne peut pas confirmer, car toute bonne science est fondée sur des preuves irréfutables.

D’entrée de jeu, il faut dire qu’au-delà de ses démêlées avec la justice haïtienne, Arnel Joseph, est faculté de recevoir des soins de santé. Selon la déclaration universelle des droits de l’homme, le droit à la santé est l’un des droits fondamentaux de l’homme. L’hôpital en cause n’a pas commis une faute puisqu’il agit dans l’exercice de sa mission, il aurait pêché si seulement il aurait décidé d’aider en cachette un criminel recherché par les autorités de justice. Le principe de non-discrimination est inscrit dans plusieurs textes de Code de santé publique « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins ». Le premier droit de la personne malade est de pouvoir accéder aux attentions médicales ou chirurgicales que son état nécessite, quels que soient ses conditions.

Il est très difficile de prédire le degré de dommages causé par une blessure par balle, pour cette raison, il est conseillé de conduire la victime à un centre hospitalier le plus vite que possible. L’épée de Damocles qui brandissait sur la tête du bandit de circuler librement de peur d’être arrêté par les agents de la police a mis une hypothèque sur la santé de ce dernier. Il existe des risques infectieux, les balles ne sont pas des agents stériles. Elles sont porteuses de nombreux germes pathogènes. Il faut souligner que même si le projectile n’a pas touché des organes vitaux, tout blessé par balle est considéré comme grave. La contamination bactérienne peut être primaire ou concomitante de la blessure. Elle implique alors les germes de l’environnement tellurique (clostridies, bacillus) et aqueux (Pseudomonas) associés à la flore vestimentaire et cutanéo-muqueuse résidente du blessé (staphylocoque, streptocoque).

Plus que les balles, c’est l’organe blessé qui fait la gravité du traumatisme balistique. Selon plusieurs textes de traumatologie, l’hémorragie est la première cause du décès précoce, l’infection en est la deuxième dès la vingt-quatrième heure. La prévention des germes infectieux est capitale.Toute personne blessée par balle nécessite des soins et une évaluation urgente dans un milieu de santé.

L’isolement et le confinement dont faisait objet l’homme de marchant Dessalines, n’augure pas de bonnes choses pour sa récupération. Il est notoire que la plaie s’est infectée et je crains que l’infection n’atteigne pas tout son système et devienne intraitable.Il aurait fallu de sa part, prendre une décision pressante et impérieuse pour éviter toute aggravation de son cas. Le risque infectieux est majeur et la procrastination ne jouait pas en sa faveur. Seul un médecin pouvait évaluer les ondes de choc de la balle dans son corps, la destruction de sa chair et la fragmentation causée par des morceaux de projectile ou des os. Une antibiothérapie devrait-être administrée le plus précocement possible après le traumatisme.

Aux dires de plusieurs collègues qui ont ausculté le patient Arnel Joseph, une amputation de la jambe touchée est hautement envisageable à cause de la putréfaction ou la nécrose de la partie interne de sa jambe droite. Si l’infection n’est pas stoppée, il risque de perdre la vie. Son état de santé s’apparente bien plus grave qu’elle le laisse entendre. Une mort prématurée d‘Arnel Joseph ne fera pas l’affaire de la justice haïtienne. La prévention de cette condition aurait été sans délai, une chirurgie de débridement élargie et précoce avec excision des tissus dévitalisés et nécrosés. Les tissus gangrenés sont fréquemment sujets à des surinfections bactériennes et lorsqu’ils sont trop infectés, une gangrène gazeuse peut apparaître.

L’antibiothérapie associée est destinée à prévenir la pullulation microbienne qui est logarithmique et qui débute dès la sixième heure suivant le traumatisme. Alors qu’il reçoit des soins dans un hôpital très réputé à Port-au-Prince, je pense que sa capture aura été la meilleure des choses, s’il pensait continuer à vivre. Combien de médecins ont peut-être, été victimes des attaques d’Arnel et de ses sbires? Aujourd’hui, ce sont eux qui donnent la vie et de l’espoir à ce dernier. Enfin, je dirais à mes collègues, que la médecine est une vocation et un sacerdoce, prenez soin de lui autant de sa maladie.

Dr Jean Ford G. Figaro

Gestion des urgences de santé publique

Boston University.