Haïti-Protestation face à l’insécurité : Carrefour crie son ras-le-bol

Un sit-in pour dire non à l’insécurité a été organisé ce jeudi 29 août à Bizoton, devant les locaux de la Base navale amiral Killick (communément appelée Marine haïtienne). Initié par le mouvement « Kri Moun Kafou » formé de notables de la Commune, le rassemblement fut l’occasion pour les citoyens présents d’exprimer leur crainte. Entre colère et désarroi, ils indexent l’Etat central comme premier responsable du climat de peur qui règne sur le pays.

Par Alexandre Michel

« Nou bouke… Nou bouke mouri… Twòp san koule … Nou tout ka pran bal » sont quelques-uns des slogans scandés par la foule d’environs une centaine de personnes rassemblée à l’occasion. Ils sont pour la plupart des notables de la ville, des étudiants, des professionnels, des entrepreneurs, des représentants d’organisations politiques ou de la société civile. Brandissant pancartes et banderoles, ils tirent à boulets rouges sur le pouvoir en place : « Nou bouke konte kadav mouche leta… Lamizè nan kò m, kout zam nan kò m, kot lavi miyò a Prezidan ?… Si gen sekirite pou prezidan, fòk gen pou pèp » pouvait-on y lire.

Yvon Jérôme, ancien maire de Carrefour et l’une des figures de proue du mouvement, critique vertement le président Jovenel Moïse qui, dit-il, ne se préoccupe que de sa propre sécurité. Il cite en exemple l’immense démonstration de force fait à Martissant le 14 août 2019, quand le président devait se rendre à Léogane. Pour Yvon Jérôme, certains hauts placés agissent comme des esclaves à talent au service de l’oligarchie.

Plus loin, l’ancien responsable dit attendre le nouveau chef de la police, Normil Rameau, au tournant. Sans vouloir s’attarder, dit-il, sur les conditions de sa nomination, Yvon Jérôme exige que le nouveau DG de la police trouve une formule pour garantir la rentrée des classes prévue pour le 9 septembre prochain.

Dans une intervention moins incisive, le pasteur Samson Dorilas Dorélien appelle les autorités en place à prendre leur responsabilité face à la situation d’insécurité qui sévit dans le pays. « Moun Kafou bouke, tout moun gran sid bouke » a souligné le titulaire de l’église Baptiste de Côte-Plage. L’homme d’église martèle que les bandits armés ne sont que des instruments aux mains de certains hauts placés, aussi préfère-t-il s’adresser aux élus, car, dit-il, nous les avons votés devant Dieu et devant la Nation et c’est à eux qu’il incombe de protéger la population.

Le pasteur Samson Dorilas Dorélien a tenu à rappeler qu’il a déjà été une victime directe de l’insécurité à Martissant.

Dans une prise de parole très brève, car hué par la foule, Jacques Beauvil, député de la commune de Carrefour, souligne que sa commune est en train de souffrir d’une insécurité qu’elle n’a pas produite. D’autres militants, également présents au sit-in, ont égrené la liste des récentes victimes (connues) à Martissant qui sont ou ont été originaires ou habitants de Carrefour.

 

Le mouvement ‘’Rasanbleman ayisyen pou yon nouvo sosyete (Rans)’’, basé à Martissant est aussi venu apporter son soutien aux Carrefourois/es. Par la voix de son porte-parole Kervins Cadely, Rans dit soutenir toutes les initiatives de protestations et promet d’accompagner la population dans la seconde phase du mouvement si l’Etat central continue de faire la sourde oreille.

Une seconde phase que l’ex-Maire Yvon Jerome a déjà baptisé : ‘’ Griyen dan gen lè l’’. Pour l’ancien responsable, il y va de la survie de la Commune car, dit-il, certaines entreprises menacent de fermer boutique si la situation d’insécurité persiste.

Le sit-in s’est déroulé sans incidents et même s’il n’a pas drainé la foule pour Romel Pierre, journaliste senior et natif de la commune, c’est un bon début. « Il est rare que les Carrefourois protestent et si cette cause arrive à les rassembler, c’est le signe d’un réveil citoyen (…) » a-t-il souligné.

Alexandre Michel