La BRH donne de l’oxygène au crédit dans un environnement économique et politique toxique….

La banque centrale s’apprête à desserrer la vis sur le crédit en baissant le taux d’intérêt des Bons BRH sur les maturités de 7, 28 et 91 jours. Le taux d’intérêt, revu à la baisse, passera, à partir du 19 novembre 2019 de 10 %, 14 % et 22 % à 5 %, 7 % et 15 %. Le taux de mise en pension des Bons BRH est de 22 %, selon un avis de BRH en date du 14 novembre à toutes les institutions bancaires et non bancaires.

Pour l’économiste Etzer Emile, « la baisse des taux confirme la volonté de la BRH de desserrer un peu pour une politique monétaire moins restrictive ». « Cela devrait théoriquement relancer le crédit et l’investissement privé dans une économie assoiffée de capital », a-t-il poursuivi en se demandant, « comment espérer des résultats de ces mesures dans cet environnement sociopolitique délétère? ».

Etzer Emile s’est aussi demandé comment s’assurer, « cette fois qu’une augmentation éventuelle du crédit privé ne vient pas renforcer le poids de l’achat des produits importés comme c’est toujours le cas? Pour montrer qu’il faut un paquet de mesures pour aider les entreprises et l’économie à sortir de cette situation, Etzer Emile s’est aussi demandé si ces mesures seront-elles elles appuyées par des dispositions budgétaires/fiscales et commerciales adaptées pour une meilleure efficacité?».

« La BRH veut bien tenter le pari du financement de l’économie, mais il faut toujours avoir en tête les risques de la hausse continue des prix et du décrochage du dollar »,a souligné l’économiste Etzer Emile.

«  Cette décision de la BRH est justifiée », a estimé l’économiste Enomy Germain. « La Banque centrale a d’ailleurs fourni certains éléments de justification dans sa dernière note de politique monétaire », a-t-il poursuivi, soulignant, lui aussi que dans « le contexte actuel, la baisse du taux d’intérêt directeur ne s’accompagnera pas forcément d’une augmentation des investissements dans l’économie ». « C’est très hypothétique », a renchéri Enomy Germain.

« Pourquoi ?  Ce n’est pas un secret que l’environnement économique d’Haïti n’est pas actuellement favorable aux affaires (donc défavorables aux investissements). Dans le Doing Business 2020 d’ailleurs, le score du pays est très faible : 40.7 sur 100. L’un des deux pays de la Caraïbe (avec le Venezuela) les plus mal classés (179e place sur 190 pays). Ce n’est pas la décision de la BRH qui va tout corriger », a expliqué l’économiste Enomy Germain. 

 « La politique ne cesse de noircir les perspectives d’investissements en Haïti. En effet, les troubles politiques que connait le pays ont des impacts clairement identifiés sur la vie des entreprises dans le pays. Comment parler de nouveaux investissements dans un pays quand des entreprises font des désinvestissements forcés par la politique ? », a-t-il ajouté.

 « Pour finir, a poursuivi Enomy Germain, il faut signaler que les politiques monétaires expansionnistes de la sorte peuvent avoir des impacts négatifs sur le taux de change et sur l’inflation. Autrement dit, on devrait s’attendre à une hausse des taux de change et d’inflation dans les prochains jours. Comme en économie il faut faire des choix, la BRH a fait ses choix ; mais pas sans coûts ».

Le responsable de Banj, l’économiste Marc Alain Boucicaut a mis en avant l’absence de politique de croissance. « Malheureusement, il n’y a jamais eu de politique réelle de croissance dans ce pays. La priorité des autorités monétaires a toujours été de contrôler l’inflation et le taux de change dans une économie d’importation. Ceci est compréhensible dans une certaine mesure mais La BRH devrait faire aussi sortir des mesures ciblées vers ceux qui, malgré tout, veulent prendre des risques et investir dans la production nationale », a-t-il dit.

« Cette décision de la BRH de baisser les taux d’intérêt sur les Bons BRH parait être une décision appropriée dans la mesure où elle devrait contribuer à faire baisser les taux d’intérêt sur le crédit. Jusqu’à récemment, des institutions financières prêtaient à un taux d’intérêt annuel de 28% en gourdes, ce qui est juste hors de portée pour des entreprises qui veulent investir dans la production de biens et de services. Avec des taux moins alléchants sur les bons BRH, il est à espérer que les banques vont suivre en baissant les taux sur les prêts. Le contexte actuel est difficile mais nous autres à travers CEDEL, nous sommes en contact avec pas mal d’entrepreneurs qui ont des projets d’investissement sur lesquels ils continuent de travailler en dépit de tout et qu’ils pourraient lancer effectivement quand le climat social et politique sera devenu normal. Cette mesure de la BRH, nous l’accueillons favorablement, en attendant que les taux d’intérêt sur le crédit baissent effectivement! », a commenté le responsable de CEDEL, Rock André.

Roberson Alphonse source Le Nouvelliste