Les travailleurs migrants haïtiens : boucs émissaires dans la fièvre électorale dominicaine


Les travailleurs migrants Haïtiens: Les boucs émissaires dans la fièvre électorale en République Dominicaine

La République dominicaine a expulsé vers Haïti plusieurs milliers de travailleurs migrants haïtiens, qui se sont retrouvés pris dans une vague de retours et de rapatriements à l’approche des scrutins en République Dominicaine, selon un rapport de l’organisation haïtienne des droits des migrants GARR.

Le gouvernement dominicain montre d’autant plus de zèle à tendre les boucs émissaires qu’il y a des élections dans l’air. La préparation à la campagne bat son plein pour la désignation du nouveau président, le 20 mai 2020, et la chasse au clandestin fait partie des exercices obligés du pouvoir en place pour démontrer qu’il a une politique contre « l’invasion des Haïtiens » comme prétendent les extrémistes dominicains.

Maintenant, il suffit de jeter un coup d’œil sur la presse dominicaine à une année du scrutin. Dans les colonnes des journaux à grand tirage , il ne s’agit plus que du « thème haïtien ‘’, du « cas haïtien’’, du « problème haïtien’’. Cette manipulation du thème haïtien débouche sur une dérive antihaïtienne, propice aux déportations massives.

Face à cette situation, il faut dire qu’il existe une vraie question migratoire entre l’État haïtien et l’État dominicain.

La non-reconnaissance officielle des Haïtiens autorise le gouvernement dominicain à ne pas les intégrer au système de sécurité sociale du pays. Ces Haïtiens se voient donc exclus des services de santé et d’éducation. Cette précarité de statut facilite aussi les déportations massives qui se font régulièrement en dehors de tout respect des normes internationales.

Aujourd’hui, il n’y a plus d’accord officiel entre les deux gouvernements, une immigration de misère se poursuit, alors qu’Haïti affronte la catastrophe, la corruption d’état, l’insécurité et la prolifération des gangs, la misère dans le milieu rural.

L’agriculture est un secteur où les Haïtiens se retrouvent en grand nombre, avec des salaires très bas. Dans les bananeraies du nord-ouest, qui exportent en partie vers l’Europe, ils représentent plus de 90% de la main-d’œuvre. Pour la plupart embauchés à la journée, ils sont parfois rémunérés en dessous du salaire minimum de 320 pesos.

Pourtant, plus de 12,000 travailleurs migrants haïtiens dans les trois derniers mois se sont retrouvés pris dans des expulsions persistantes. Il n’existe pas de mécanismes officiels permettant aux personnes expulsées à tort de revenir légalement puisque les dominicains exigent des sommes exorbitantes pour l’octroi et le renouvellement des cartes de résidence temporaire et de travailleurs temporaires. En outre, les autorités haïtiennes n’ont pris aucune initiative pour gérer la situation des migrants haïtiens renvoyés vers Haïti ou qui sont arrivés dans le pays, y compris ceux qui sont apatrides.

Beaucoup d’expulsions ne sont pas consignées. La moitié des femmes expulsées ont ainsi été séparées manu militari de leurs enfants et de leur conjoint. Parfois les femmes sont violées au moment que les militaires pénètrent dans leur maison dans la plupart des cas au moment du sommeil, en d’autres termes dans la nuit. Les hommes sont maltraités et leurs objets de valeur, comme des téléphones, des appareils électroniques, des bijoux, de l’argent aussi et même la nourriture sont volés par les agents de l’immigration. Certains arrivent en Haïti avec des traces de coups sur leur corps. La plupart sont affamés, puisqu’ils passent plusieurs jours dans des prisons dominicaines sans manger.

D’autres personnes expulsées ont raconté qu’elles étaient arrêtées en pleine rue, puis conduites directement à la frontière parce qu’elles n’avaient pas été en mesure de présenter sur-le-champ des papiers d’identité.

Les travailleurs migrants Haïtiens servent à détourner l’attention du peuple dominicain des problèmes réels de leur pays. Ils sont présentés par la classe politique comme les responsables des maux sociaux; de la création des bidonvilles, de l’insalubrité et de l’insécurité, etc. Pourtant, que ce soit dans les champs de canne à sucre ou dans la construction des complexes hôteliers, les travailleurs haïtiens sont jusqu’à aujourd’hui incontournables pour l’économie dominicaine.

C’est l’illégalité dans laquelle les Haïtiens et les Haïtiennes sont maintenus qui est économiquement avantageuse pour les patrons dominicains. Une illégalité qui profite au gouvernement dominicain puisqu’il dispose d’une main-d’œuvre vulnérable. Le gouvernement haïtien en retire un certain avantage, car il se dégage de sa responsabilité envers les jeunes haïtiens inactifs.

En dernier ressort, les réseaux mafieux s’en frottent les mains avec cette manne leur permettant de tirer faire fortune de la misère de cette population.

Vitalème ACCÈUS
Anthropo- Sociologue / Coach Éducateur en Droits Humains
E-mail: acceus2009@gmail.com