Pour une alternative citoyenne à Jovenel Moise. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !


Par Sergo Alexis De jeunes citoyens engagés se sont réunis à Petit-Goâve du 30 novembre au 2 décembre 2018. A l’issue de leur conférence de trois jours, ils ont présenté une feuille de route politique de gouvernabilité à la nation haïtienne.

Dans leur proposition, ne figuraient pas de représentants de l’Eglise, ni des partis politiques, ni du secteur privé des affaires, ni les organisations populaires. C’est une piste à exploiter pour une alternative citoyenne, indépendante des partis politiques et de la communauté internationale.

La Conférence nationale, sous la bannière de société civile telle que celle réalisée en 2004, et durant la période post-duvaliériste, a montré ses limites. Organisées par des leaders économiques et politiques, elles ne l’ont jamais été au profit de la République et de la majorité des sans-voix. Cela a toujours été : ôte-toi que je m’y mette !

Au début des années 2000, pour renverser le président Jean Bertrand Aristide en porte-à-faux avec le capitalisme financier national et international, la Convergence démocratique parlait d’un nouveau contrat social pour la nation, qui n’a jamais vu le jour. En 2010, les mêmes leaders politiques et économiques des années 2000 ont installé un gouvernement mafieux à la tête du pays.

Dans un article du magazine Foreign Affairs, daté du 12 mai 2012, Moisés Naïm explique que l’Etat mafieux n’est pas « la victime et la subordination et du racket des fonctionnaires par les criminels ; c’est lui qui a pris le contrôle des réseaux criminels. Non pas pour les éradiquer, mais pour les mettre au service des intérêts économiques des gouvernants, de leurs proches et de leurs partenaires ».

La gestion des fonds PetroCaribe, celle de la reconstruction, l’utilisation des mercenaires par le pouvoir et des gangs ; l’intégration d’individus sans scrupules da la fonction publique et un président, lui-même inculpé pour blanchiment, sont quelques exemples évidents des caractéristiques d’un Etat mafieux. Mais ils sont si nombreux, les exemples en Haïti…Je parle de cet Etat mafieux pour que les citoyens qui s’engagent dans la bataille contre la corruption, pour le respect de la population et une juste répartition des richesses du pays, puissent identifier leur adversaire (voire même l’ennemi national) et de bien connaître la stratégie de lutte à mener pour éradiquer ou diminuer les assassinats.

Car : « L’Etat mafieux moderne est une entité hétéroclite dont nous ne comprenons pas encore très bien le fonctionnement et la portée. Et c’est essentiellement parce que nous n’avons pas suffisamment pris conscience de son existence. », précise Moisés Naïm. La troisième voie, dont parle M. Réginald Boulos, n’est que l’arbre qui cache la forêt du système mafieux, qu’il a contribué à instaurer en Haïti, depuis 2010, avec l’arrivée des Tèt kalé. M. Boulos doit donc faire preuve dans la pratique d’une volonté évidente de procéder à un virage de 360° pour abandonner la ligne idéologique du secteur des affaires dont il fait partie. Kidonk, la troisième voie devra être celle des citoyens et non d’un représentant du capitalisme ultralibéral haïtien.

Prendre ses responsabilités politiques est un devoir citoyen

Face à la gravité de la situation et à la pénurie d’idées des partis traditionnels pour la redresser, il est du devoir de chaque citoyen qui combat la corruption et l’injustice de s’unir autour d’un projet de gouvernabilité viable. La minorité progressiste de l’intelligentsia haïtienne de l’intérieur comme l’extérieur, qui lutte pour la réalisation du procès PetroCaribe, devrait organiser une conférence nationale citoyenne. Cette conférence devrait s‘inspirer de celle des jeunes citoyens engagés de Petit-Goâve. Ce qui signifie en excluant la participation officielle des partis politiques, celle du secteur privé des affaires et enfin celle de l’Eglise et les religions ; mais avec la participation citoyenne de toutes ces entités.

La mobilisation populaire est la seule arme solide dont nous disposons pour équilibrer les rapports de force pouvant permettre d’atteindre les objectifs visés. De cette conférence citoyenne sortira une feuille de route contenant les mesures à adopter pour les deux années et demie restantes du quinquennat de M. J. Moise.

Prévoir une ou deux personnalités intègres et qualifiées susceptibles d’occuper le poste de Premier ministre et capables de former un gouvernement de transition pour la République d’Haïti. Aucun des membres de ce gouvernement ne pourra, pour une question de confiance et d’éthique, se présenter à un poste électif aux échéances électorales de 2021 et 2022. Un Premier ministre issu des Haïtiens expatriés, qui n’aurait aucune accointance familiale, amicale et politique avec les corrompus qui gouvernent Haïti aujourd’hui, serait le candidat idéal.

Le premier acte politique fort à accomplir par ce gouvernement de transition démocratique sera de déclarer caduc le Parlement issu des élections du 9 octobre 2015 et renvoyer les élections partielles prévues de cette année dans les élections générales de 2021 et 2022. Il établira les cadres juridiques et techniques et les moyens humains pour que le procès PetroCaribe se passe dans les meilleures conditions souhaitées.

Il mettra enfin en place le Conseil électoral permanent qui organisera les échéances électorales dans la transparence et l’inclusion. Il est souhaitable que certains membres de la conférence fassent partie du Conseil électoral permanent. Un gouvernement dont aucun membre n’a d’ambition politique immédiate est le plus apte à organiser le Conseil électoral pour assurer une réelle transition démocratique.

Ce gouvernement même en étant de transition devrait créer un ministère de la Fonction publique avec pour mission l’évaluation des moyens à utiliser pour commencer les réformes à opérer dans l’administration. Ses objectifs : réduire les privilèges et la corruption au sein de l’Etat : justice, Palais présidentiel, Parlement, ministères, institutions publiques, services douaniers de façon à permettre au ministère des Finances de mettre l’ordre dans les recettes fiscales.

L’Etat a besoin d’argent pour réduire le coût élevé de la vie qui touche en premier les masses défavorisées. Mais aussi de l’argent pour organiser les élections à venir pour éviter que ce soit le Blanc qui les finance.

Ces propositions constituent une base de travail à partir de laquelle viendront s’ajouter d’autres contributions venant des citoyens conscients qui militent pour construire une structure solide, afin que la nation haïtienne qui réclame une alternative à Jovenel Moise et au régime tèt kale, puisse avoir confiance en ceux qui déclarent vouloir mener une lutte efficiente pour un jugement PetroCaribe, pour la lutte contre la corruption et contre l’impunité.
*Militant PetroChallengers, France