Haïti: ces femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints

Marlène Colin, Jucelène Jean-Charles, Nahomie Alcius ou encore Sonine Mathurin sont autant de femmes tuées par des bourreaux portant des masques d’amoureux. Ces victimes et bien d’autres vivaient pleinement leur vie et jouaient des rôles sociaux importants. Elles étaient infirmières, travailleuse de la banque, comptable, commerçante et mère de famille.

Mercredi 17 juillet dernier, dans la commune de Croix-des Bouquets, une femme a été tuée par balle par son mari, un employé de l’Etat. C’était son sort après 14 ans de mariage. Ils ont eu plusieurs enfants. Ceux qui ont connu le vécu du couple révèlent que la victime vivait un enfer sous le toit conjugal. Ne pouvant plus supporter cette triste réalité, elle avait claqué la porte. Mais c’est comme si elle n’avait pas ce droit puisque son conjoint, Ernso Bolivar l’a tuée de trois balles après cela. Ce dernier a pris la poudre d’escampette. Jusqu’à la publication de ce texte, aucune arrestation n’a été effectuée.

Au cours  du même mois, Sonine Mathurin, mère de trois enfants, a été poignardée par son époux à Petit-Goâve. Cet assassinat a suivi une scène de jalousie. La victime, avant d’être disparue comme une fumée, a reçu un appel téléphonique qui a réveillé l’ours qui dormait en son mari. Comme toujours, le meurtrier a eu le temps de prendre la fuite.

Toujours en juillet dernier, à Gros-morne, Délizane Délivois, mère de famille âgée de 49 ans a été tuée à coups de matraque par son concubin. Délivois et son compagnon se disputaient souvent. Une avant-dernière dispute avait conduit à l’émission d’un mandat d’amener à l’encontre de Dorilas. Ils s’étaient remis ensemble un peu plus tard.

Avant son assassinat, Délizane Délivois élevait toute seule huit (8) enfants. Deux d’entre eux, des mineurs dont Dorilas n’est pas le père, étaient présents lors du drame. Le suspect est dans la nature.

Vendredi 19 avril 2019, Nahomie Alcius, une jeune comptable, a été retrouvée morte à la rue Du Quai non loin de la Banque de la République d’Haïti (BRH). Son corps était troué de balles. Le suspect de l’assassinat : son partenaire, le policier Éphésien Louis-Jean. Ce dernier aurait tué Nahomie  après une scène de jalousie. 

La victime était souvent malmenée par son partenaire, avait appris la rédaction après le drame. Quelques jours avant, Louis-Jean, piqué par une crise de jalousie avait même trainé la victime par la portière de sa voiture. Après cet acte, les parents de la dame l’avaient suggéré de rompre la relation, ce qui n’avait pas été fait. La dernière fois de Nahomie était ce jeudi où elle a laissé sa maison pour rejoindre son partenaire.

Qui ne se souvient pas de Jucelène Jean Charles, cette ancienne employée de la SOGEBANK battue à mort par son mari en octobre 2018? Des parents et amis de la victime étaient inconsolables. Son père était à l’antenne des médias de la capitale pour dénoncer celui qui a ôté la vie de sa fille. Certains de ses amis ne peuvent même après plusieurs mois, accepter cette perte énorme.

Certains clients de la succursale de SOGEBANK située à Lalue où elle travaillait remémorent le visage étincelant de cette dame derrière les caissières et caissiers à chaque fois qu’ils s’y rendaient pour effectuer une transaction. 

Emmanuel Dieujuste, le suspect, un juriste, est en cavale depuis la mort de Jucelène Jean-Charles.

En juin 2018, Natacha Castelli, membre du Comité des Etats Généraux Sectoriels a été assassinée par son ex- compagnon. Son cadavre a été découvert à Bois Moquette à Pétion-ville. Après avoir commis son acte, Steven Junior Perrin, l’ex-compagnon de la victime, s’est suicidé. Cette jeune qui mettait à la disposition de la société son savoir, a laissé derrière elle un garçon de cinq ans.   

En mai 2018, Marlène Colin, une trentenaire, a été assassinée à coups de couteau par son mari, Ernest Rigaud. La nouvelle a répandu sur les réseaux sociaux comme une trainée de poudre et provoqué l’indignation des internautes. Ernest Rigaud s’est opposé à la rupture de sa relation avec Marlène. Soit moi ou rien du tout ! Il l’a hachée. Ainsi, il ne lui a pas laissé la chance de voir l’avenir de sa fille.  

Ernest Rigaud a été appréhendé par la police. Toutefois, aucune information n’est publiée sur la suite du dossier après plus d’une année de la commission de l’assassinat. Notons que plusieurs assises criminelles ont été déjà organisées. A-t-il été jugé? On ne sait pas! Quelles démarches ont été entreprises par les militants des droits humains?

Ces exemples sus-mentionnés ne sont que des rares cas signalés à la presse de mai 2018 à juillet 2019. En dépit de la pertinence du féminicide en Haïti, des données officielles font défaut. S’agit-il d’une absence stratégique d’opération liée à la complicité de l’Etat? Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans un article publié sur son site officiel, indique que plus d’une femme en Haïti, sur trois est victime des violences de la part de son partenaire, époux, mari ou fiancé.

Contacté à ce sujet, le directeur exécutif du Cabinet de Litige Stratégique des Droits Humains condamne la commission des féminicides dans le pays. Me Patrice Florvilus soutient qu’aucune raison ne justifie qu’un mari ôte la vie de sa femme ou de sa femme ou de sa copine en s’en prenant à ceux qui, généralement, évoquent des crimes passionnels pour essayer de blanchir les auteurs des meurtres.  

L’avocat met dans la balance passivité de la justice haïtienne qui, dit-il,  représente un facteur qui favorise autant d’assassinats de femmes par leurs conjoins ou ex-conjoints. Il appelle la justice à assumer ses responsabilités. Dans la même veine, Me Florvilus invite les femmes qui vivent sous l’emprise d’un conjoint violent à ne pas garder le silence, ce qui conduit souvent à leur décès.

Source: Loop Haiti