La BRH Lancera Bientôt Le Fonds Pour La Recherche Et Le Développement (FRD-BRH)

La faiblesse en matière de recherche et de production scientifiques pousse la Banque de la République d’Haïti (BRH) à créer le Fonds pour la recherche et le développement (FRD-BRH). Cette faiblesse est liée, en autres, à un manque d’efforts coordonnés au niveau des compétences existantes dédiées à la promotion de la recherche, selon le document de référence dont nous avons obtenu une copie. Elle est également liée à une culture de la recherche peu développée dans les universités et dans le milieu professionnel ainsi qu’à une absence de fonds disponibles pour financer des activités de recherche scientifique.

La BRH reconnaît toutefois certaines tentatives qui ont été entreprises dans le milieu universitaire pour la mise en place de centres de recherche. Le document cite les exemples du Centre de recherche en économie et en gestion (CREGED) de l’Université Quisqueya, créé en 2000, du Laboratoire en sciences économiques et juridiques (LASEJ) de la Faculté de droits et des sciences économiques, de l’Académie haïtienne des Sciences (AHS) et des sept centres de recherche mis en place en 2016 par l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d’Haïti (ISTEAH), un établissement d’enseignement supérieur (DESS, maîtrise et doctorat) créé par le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle (GRAHN-Monde ).

D’autres initiatives comme le Centre d’investigation en sciences sociales (CHISS) du professeur Hubert Deronceray, de regrettée mémoire, sont encore plus vieilles. Cependant, en dépit de leur volonté de contribuer à la recherche scientifique, la mission de ces centres a été souvent handicapée par l’absence de budget de fonctionnement pour la gestion des ressources humaines et le financement des travaux de recherche.

Au bout du compte, la recherche demeure encore aujourd’hui tributaire d’initiatives individuelles à travers des études spécifiques et des mémoires de sortie dans les différentes facultés. Malheureusement, ces initiatives restent insuffisantes pour alimenter la production du savoir, à cause notamment des limitations liées à des déficits de moyens et d’encadrements. Ces insuffisances ne permettent pas d’aborder véritablement l’ensemble des problèmes cruciaux auxquels est confronté le pays en termes d’allocation optimale de ressources, de l’affinement des politiques publiques et du développement économique et social.

Si Haïti manque de laboratoires de recherche et de centres de production de savoirs, l’importance de la recherche scientifique dans l’avancement de toute société n’est plus à démontrer. De même, la formulation de solutions durables à des problèmes publics ou la prévention de ces derniers passent d’abord par des données traitées et analysées par des chercheurs et aspirants-chercheurs à travers un processus cohérent de recherche scientifique. Le conseil d’administration de la BRH se dit préoccupée par cette problématique et compte contribuer à y apporter une réponse efficace.

La production d’informations ou de recherches scientifiques relatives à ces problèmes, à partir de laboratoires de recherche indépendants, doit servir de base à la formulation de politiques publiques efficaces, l’élaboration de grands projets d’investissements privés, en vue de poursuivre véritablement l’atteinte des objectifs de développement durable. Les universités devraient jouer un rôle proactif dans l’établissement d’un cadre de réflexion autour des problématiques relevant de politiques publiques pour la prise de décisions stratégiques avisées et la mise en place d’un processus de développement intégré et inclusif.

La BRH se dit consciente de l’importance de laboratoires de recherche dans la quête d’une croissance économique soutenue et inclusive. C’est pourquoi elle entend mettre sur pied le FRD-BRH. Ce fonds mobilisera à la fois des ressources publiques et privées, en vue de financer des initiatives de recherche jugées pertinentes pour la société dans les domaines de l’économie, de la finance, de la gestion des politiques publiques et des disciplines connexes.

À travers la création de ce fonds, la BRH compte « revitaliser la culture de la recherche dans les espaces universitaires, contribuer à combler la carence en capital humain, stimuler des recherches individuelles et collectives, promouvoir la production et la transmission de connaissances scientifiques tout en créant une synergie entre ceux qui s’intéressent à la recherche et développement ». Elle entend mettre en commun « l’apport des professeurs, universitaires, étudiants et chercheurs dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques efficaces ».

Une participation collective

Le FRD-BRH disposera d’un capital initial versé par la BRH et sera placé sous la tutelle du conseil d’administration de la banque centrale. Il a pour mission principale de promouvoir et d’appuyer la recherche appliquée dans diverses disciplines, principalement en matière de conception et de gestion de politiques publiques, en économie, en finance et dans d’autres disciplines connexes.

À travers le financement des projets de recherche scientifique, le FRD-BRH a pour objectif principal « de susciter une implication des acteurs principaux dans les différents domaines d’études et de recherche pouvant faire avancer les réflexions sur les grandes problématiques qui concernent le développement économique et social du pays, les mutations liées aux changements démographiques et au progrès technologique ».

La réalisation de cet objectif, croient les membres du conseil d’administration de la BRH, passe par le financement de projets de recherche scientifique, sélectionnés suivant leur capacité à contribuer à la compréhension d’un ensemble de phénomènes socioéconomiques, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques publiques nationales et au développement économique durable.

La BRH entend encourager financièrement la production, le partage et la diffusion des connaissances scientifiques, à travers notamment l’organisation de séminaires et de toutes initiatives connexes comme les conférences, les colloques, les tables rondes et les ateliers susceptibles de stimuler les activités d’échanges et de recherches scientifiques.

La gouvernance du FRD-BRH est assurée par quatre entités : le conseil d’administration de la BRH, un directeur exécutif, un conseil scientifique et un comité consultatif. Le directeur exécutif est en charge de la gestion quotidienne du FRD-BRH et elle relève du conseil d’administration de la BRH. Représentant l’autorité de contrôle et d’orientation des activités du fonds, il propose au conseil la stratégie globale et, après approbation, en assure une exécution efficace. Il prend toutes les décisions en matière programmatique, financière et budgétaire tout en planifiant et en exécutant les choix stratégiques du conseil auquel il en rend compte.

Le directeur exécutif soumet au conseil scientifique les demandes d’aide de financement de projets de recherche et en assure le suivi. Sur la base des décisions de ce conseil, prises à la majorité simple des membres, le directeur exécutif transmet les expertises et l’avis du conseil scientifique au conseil d’administration de la BRH ainsi que des propositions concernant l’allocation des financements.

Le conseil scientifique est composé « de personnalités issues des domaines de la recherche, de l’enseignement et de tous les domaines d’élaboration de politiques publiques », peut-on lire dans le document. Le comité consultatif, de son côté, est composé d’un représentant de l’université, d’un représentant du ministère de l’Économie et des Finances (MEF), d’un représentant du Forum économique du secteur privé et d’un représentant des bailleurs ayant contribué au fonds.

Le comité consultatif a pour mission de conseiller le directeur exécutif, en ce qui a trait à la pertinence des sujets qui peuvent faire l’objet de financement de la part du FRD-BRH ainsi qu’au niveau de la définition des priorités des thématiques à retenir. Chacune des tâches est clairement définie dans le document-cadre.

Les demandes de financement seront soumises en ligne à partir du site web du fonds qui sera hébergé par le site internet de la BRH (www.brh.net). Le dossier de demande de financement comprendra le formulaire dûment rempli et signé ainsi que tous les documents requis dans ledit formulaire. Le tout devra être soumis en ligne.

Les dossiers soumis seront analysés sur la base des critères suivants : l’intérêt du projet de recherche, sa qualité et sa pertinence, l’adéquation entre l’objet de la recherche et les domaines prioritaires définis par le FRD-BRH, l’impact potentiel de la recherche sur la société en général et/ou la contribution à la communauté scientifique haïtienne ou universelle. L’application de la recherche ou sa capacité à orienter la mise en place de politiques publiques seront également appréciées. Chacun des critères est détaillé dans le document de référence.

L’approche du « Basket Fund » sera utilisée pour constituer et alimenter le FRD-BRH. Ce « Basket Fund » sera alimenté principalement par la BRH, le MEF, le secteur privé et les organismes sans but lucratif intéressés par la promotion de la recherche.

L’admission d’autres institutions nationales et internationales reste à la discrétion du Conseil d’administration de la BRH. Le FRD-BRH est également appelé à s’ouvrir à des financements externes provenant de bailleurs internationaux ou d’institutions nationales à partir de dons directs ou d’un partenariat public-privé.

La BRH fournira un capital de départ et elle s’engage à alimenter le FRD-BRH chaque année pour un montant qui demeurera à la discrétion de son conseil d’administration, après consultation auprès du directeur exécutif. Le fonds reste ouvert à des partenariats avec toute institution régionale ou internationale manifestant un intérêt pour la promotion de la recherche scientifique en Haïti.

La transparence, selon le conseil d’administration de la BRH, constituera l’un des critères de gestion du FRD-BRH. Elle garantira sa crédibilité envers ses partenaires et les soumissionnaires.

La FRD-BRH comblera un grand vide dans le domaine du financement de la recherche scientifique. Il restera cependant un problème plus difficile à résoudre : celui de la prise de décision – dans le public comme dans le privé – sur la base de données et de recherches scientifiques.

Thomas Lalime

thomaslalime@yahoo.fr