La visite des Grenadiers au Palais national divise les internautes

Les trois Grenadiers, des membres de la FHF et du MJSAC en compagnie du président Jovenel Moïse/ Photo: Twitter de Jovenel MoïseLes Grenadiers sont, depuis au moins deux jours, cibles de vives critiques de certains internautes. Pour ces derniers, Duckens Nazon, Steven Sabat et Wide Donald Guerrier n’auraient pas du rencontrer, mardi au Palais national, le président Jovenel Moïse dans le cadre d’un cocktail dinatoire organisé en leur honneur. Mais un autre groupe voit les choses autrement.
Deux camps s’affrontent depuis au moins 48 heures sur Facebook et Twitter. Le premier croit dur comme fer que les trois joueurs reçus au Palais national devraient décliner l’invitation à s’asseoir, dialoguer et serrer la main d’un homme taxé de corrompu. Jovenel Moïse est, rappelons-le, épinglé dans le dernier rapport sur l’utilisation douteuse des fonds Petrocaribe. Ce camp critique entre autres le manque de grandeur d’âme des joueurs de la sélection nationale qui viennent d’offrir une prestation extraordinaire à la 15e édition de la Gold Cup.
« Vous vous êtes plaints d’un arbitre corrompu qui a donné en cadeau un pénalty (à l’équipe adverse, en l’occurrence le Mexique, ndlr), et puis vous êtes venus fêter avec des dirigeants qui ont mangé l’argent du pays dans la corruption », a publié Obed Lamy entre autres sur son compte Facebook. Pour le patron d’Enfo Sitwayen, ces Grenadiers sont des « bluffeurs ».

Le 9 juillet, le jour même de la rencontre, l’humoriste Jean Maurice Delisma, très apprécié pour ses manières de passer en dérision certains épisodes de l’actualité, a tweeté de son côté : « Nazon, Saba, Guerrier, n’ont -ils pas encore lu le rapport de la Cour des comptes [ndlr, sur l’affaire Petrocaribe] ? Juste une question ».
 


Avant de nuancer, dans un autre tweet teinté d’humour: « Mes amis, nous devons êtes tolérants. Nous ne devons pas mélanger football et politique dans un pays qui possède 25 stades. 26, j’allais oublier Sylvio Cator ». Il fait référence aux “25 stades” que l’ex-Premier ministre haïtien Laurent Lamothe se vante d’avoir construits dans le pays mais qu’on n’arrive pas à localiser.
 
Cependant, dans le cadre de ce débat sur la visite du trio au Palais national, il y a un autre camp qui voit les choses d’un autre œil. Celui-ci se veut plus tolérant, sans pour autant oublier les accusations qui pèsent sur les épaules du chef de l’État. La plupart estiment qu’il est encore trop tôt pour fouler aux pieds tout l’enthousiasme et la joie provoqués par ces joueurs grâce à leur exploit réalisé à la Gold Cup 2019.
« Le déferlement d’insultes contre les trois Grenadiers, en particulier Nazon, pourra conduire à la rétraction de certains joueurs dans l’équipe nationale. Ce qui, sans aucun doute, affaiblira l’élan de joie et de combativité qui se faisait ressentir chez eux durant toute la Gold Cup. Ils se sont sacrifiés au nom de la patrie, abandonnés leur famille respective, et nous avons tous célébré en grande pompe. Grace à eux, nous avons retrouvé de la vigueur et de la fierté d’être aborigènes », a soufflé Websder Corneille.

« Certainement, à leur place, j’esquiverais toute rencontre possible avec un président qui n’a de morale que pour ses thuriféraires. Qu’est-ce qu’on gagne aujourd’hui après avoir serré la main de Jovenel Moise ? Absolument rien, à mon avis. Faudrait-il les assassiner pour autant ? Je n’y crois pas », poursuit le jeune journaliste et animateur de radio.
« Ils ne méritent pas la même sentence que les gloutons de Petro Caribe. On pourra les épargner aujourd’hui parce qu’ils nous ont sauvés d’une explosion sociale et qu’ils sont déterminés à faire notre gloire demain », a-t-il conclu.
Plus d’un croient, à juste titre, que n’était-ce la belle performance de la sélection haïtienne à la Coupe dorée, ajoutée à celle du Brésil sur le Pérou à l’issu de la Copa America, la flamme des revendications populaires ne serait pas (jusqu’ici) éteinte. Des milliers d’Haïtiens dont ceux habitués à fouler le macadam pour hurler « aba » ont plutôt choisi de ruminer leurs frustrations contre un chef d’État impopulaire, perdu dans un puzzle de promesses qu’il n’arrive pas à concrétiser.
Alors entre ces deux camps, quel chemin emprunter ? Devrions-nous casser les ailes des Grenadiers et les terrer dans la culpabilité ou devrait-on de préférence juste oublier cette histoire, fermer cette page et passer à autre chose ?
En passant, des voix dénonçaient cette semaine le fait que seulement deux Grenadiers, sur cinq présents dans le pays, avaient été reçus par le président. En plus de la clarification portée la FHF sur cette affaire, les deux autres joueurs, Jimmy Bend Alexis et Dutherson Clerveaux, pourraient avoir leur part de la cérémonie cette fin de semaine, a appris Loop d’une source digne de confiance.