Cri d’alarme contre la violence faite aux femmes et filles dans le Nord-Ouest !

Cette année,  la  Journée internationale des femmes, 8 mars 2020, sera célébrée autour du thème «  Je suis de la Génération Égalité : levez-vous pour les droits des femmes  ». Ce thème coïncide avec ma vision et à mon engagement en tant qu’infirmière, spécialiste en Santé communautaire dans la lutte pour l’égalité et contre la violence à l’égard des femmes et des filles.

Par Laika Noël POLIARD 

Jeudi 5 mars 2020 ((rezonodwes.com))– 8 mars  est pour moi une occasion de dénoncer la violence à l’égard des femmes et les filles dans le Nord-ouest. Un département dont je suis originaire, et que je me suis installée et travaille depuis tantôt trois ans.

 Mes déplacements dans plusieurs communes du département, notamment Port-de-Paix, Saint-Louis du Nord, Jean Rabel entre autres, m’amènent à constater que la violence à l’égard des femmes et des filles constitue une atteinte grave aux droits fondamentaux.

Les conséquences de ces violences sont visibles et néfastes. Les préjudices  subis par les femmes et les filles ont des impacts sur la santé physique, sexuelle et mentale des victimes.  De plus, leurs familles, leur communauté sont aussi affectées en raison de la peur que celles-ci ont engendrée.

En raison des manquements en matière de soins de santé et de justice, les victimes ainsi que leurs parents ont eu recours à une forme d’ententes « amiables » avec les auteurs de ces actes. Des ententes qui sont souvent cautionné par des leaders locaux et/ou autorités locales, notamment  pour les cas de viols. Une pratique qui, au lieu de supporter la paix et la cohésion dans les communautés, donne carte blanche aux violeurs. Car, ils savent qu’ils ne vont pas être punis pour ses actes.

En dépit du fait que plusieurs lois ( contre les agressions sexuelles et les autres formes de violence à l’égard des femmes), et protocoles d’accompagnement et de prises en charge des victimes existent dans le pays,  des défis restent à relever pour appliquer ces lois et suivre les protocoles afin que les femmes et les filles puissent jouir une bonne santé sexuelle et de la justice après avoir subi de tel acte.

Malheureusement, dans le Nord-ouest, les actions visant à prévenir les cas de violences basées sur la violence basée sur le genre sont insuffisantes.  En effet, dans les hôpitaux qui sont  chargés de délivrer des certificats médicaux  et d’assurer la prise en charge médicale des victimes, l’accueil reste souvent à désirer. Très peu d’informations sont disponibles pour orienter les patientes vers les structures qui sont capables d’assurer une prise en charge complète. Ajouter à cela, des médecins à force de ne pas vouloir citer à la barre des tribunaux, lors d’éventuel jugement des violeurs  sont réticents de signer de certificats médicaux. Ce qui constitue, certaines fois,  pour les victimes un handicap pour aller porter plainte aux tribunaux.

 Pour celles qui avaient la chance de déposer plainte ou arrêter l’agresseur, au tribunal, au lieu de traiter comme victimes,  elles sont souvent  jugées de façons « dégradantes » par les personnes qui sont censées être là pour leur donner justice. À force de passer, dans bien des cas, les victimes en dérision (considérations sur l’heure du viol, les circonstances du viol, l’habit porté par les victimes), les actes de violence restent bien souvent impunis. Pour  les cas flagrants ou dénoncés par les clameurs publics, la justice est bien obligée d’agir en toute rigueur. En dépit du fait qu’elles soient des victimes et méritent justice et réparation, elles seront malgré ça mal perçues par leur communauté, non pas par méchanceté mais par manque d’informations. Ce qui décourage bon nombre de femmes et filles victimes de violence de porter plainte. Car les commentaires, les mauvaises perceptions à bien des égards, pourraient porter préjudices à la réputation et à l’honneur de la victime.

Face à cette réalité, pour le moins glaçante, plus spécifiquement dans le Nord-Ouest, il est important de rappeler qu’Haïti s’est engagée sur plusieurs accords internationaux notamment des traités et déclarations contre la violence faite aux femmes et aux filles. Des engagements sur lesquels se sont basées les organisations de femmes en vue de pousser l’état haïtien à prendre des engagements et actions formels en vue de l’élimination de la violence faite aux femmes et aux filles.

Consciente des actions entreprises par des organisations militantes  et des mouvements de femmes  dans le pays et  des avancées  qui sont surtout enregistrées  depuis près de 40 ans en Haïti en vue de l’élimination de la violence basée sur le genre, beaucoup restent à faire pour que l’état haïtien puisse comprendre qu’il est une nécessité pour placer la cause des femmes dans sa liste des priorités de l’heure.

En attendant que l’état prenne ses responsabilités, les organisations de femmes doivent poser des actions pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles. Celles-ci passeront par les actions de sensibilisation des communautés sur les conséquences des actes de violence  tout en renforçant les organisations communautaires de bases en matière de prévention et de réponse à la violence.  

Enfin, il est temps qu’il y ait une évolution des modèles comportementaux des hommes en Haïti. Comme le thème de cette année l’a bien stipulé, chacune et chacun de son côté doit plaider pour une génération égalité en Haïti où  les droits des femmes  sont une réalité.

Port-de-paix, le 4 mars 2020