Ouverture d’un colloque international sur la réalité carcérale d'Haïti

Un colloque international sur le système carcéral en Haïti est ouvert ce mercredi 9 octobre à Pétion-Ville à l’hôtel Oasis, où des panélistes – professeurs d’universités, chercheurs sociologues et historiens – débattent et font des propositions sur la réalité pénitentiaire en Haïti, mais aussi de certains pays d’Afrique et de la République dominicaine.

Lancé autour du thème « Quelles prisons pour Haïti ? », ce colloque qui se déroule jusqu’au 11 octobre est l’initiative du Centre de Recherche et d’échange sur la sécurité et la justice (CRESEJ, une plateforme lancée à l’occasion. L’événement bénéficie du soutien d’une batterie de partenaires internationaux et locaux, sensibles au débat sur le système carcéral, parmi eux la Mission des Nationals-unies pour le soutien de la justice en Haïti (MINUJUSTH), les ambassades des Etats-Unis, de France à Port-au-Prince, la Direction de l’Administration pénitentiaire de la PNH (DAP-PNH) et la Fondation Connaissance et Liberté (Fokal).

Divers conférenciers de taille, haïtiens et étrangers, ont soulevé une kyrielle de questions percutantes sur les conditions de détention, sur les dispositifs légaux, les conventions internationales signées, les antécédents historiques ayant abouti à la naissance des prisons haïtiennes ainsi que leur généalogie.

Quelles Prisons Pour Haïti?

L’intervenant Fritz Calixte, exhumant Michel Foucault des tiroirs de la philosophie politique occidentale qui a servi de point d’ancrage à sa réflexion, a abordé la question de la naissance de la prison [moderne], située au 19esiècle. Comment faire une gestion économique et politique du corps (qu’on doit punir, dresser, assujettir, contrôler, mesurer, rendre doux et utile) pour en tirer le maximum de profit : ainsi se formulerait dans l’essence la thèse du philosophe défendue dans le monumental ouvrage « Surveiller et punir », paru en février 1975 aux éditions Gallimard.

S’appuyant sur une mine d’informations disponibles dans des journaux (Le Moniteur) et des revues dont la Revue de la société de législation de 1891, Lewis A. Clorméus, emmuré dans la période de 1843 à 1915, a de son côté survolé l’histoire des prisons en Haïti au 19esiècle.

1843-1915 : période marquée par une succession de gouvernements éphémères, un régime militariste, le seul président civil qui a accédé au pouvoir était Michel Oreste, a-t-il rappelé pour l’assistance. M. Clorméus a passé au crible de son exposé la question des engagements de l’État pris à cette époque en matière pénitentiaire, les diverses réformes, mises par la suite sur la table des discussions autour de l’amélioration des conditions carcérales, la surveillance et l’entretien de l’espace physique réservé aux détenus, la réinsertion sociale des prisonniers, un traitement plus humain aux incarcérés, etc.

Les conférenciers R. Edouard, issu de l’Université Laval et Arnaud Dandoy de l’Université d’État d’Haïti ont ensemble présenté les résultats préliminaires d’une étude en cours sur la généalogie des prisons en Haïti, remontée jusqu’à la période coloniale française. Un certain nombre de sources consultées leur a permis de comprendre non seulement la logique et les pratiques mais également les réalités concrètes que les détenus vivaient au cours de la période, selon ce qu’ont indiqué les conférenciers, conscients que la prison, longtemps construite sur le modèle de la capture, doit être séparée du « processus judiciaire » qui comprend trois moments importants : l’arrestation, le procès et condamnation ou la libération.