Aux Cayes, commerçants et hommes d’affaires s’associent aux bandits pour survivre

Les dernières protestations contre le président Jovenel Moïse dans le sud laissent la ville des Cayes à froid. En plus de la paralysie des activités qu’ils entraînent, ces événements exposent les responsables d’entreprises au rançonnage des bandits

Face au déferlement des vagues de manifestations, les propriétaires de magasin de produits alimentaires, de gadgets électroniques et autres ont le cœur dans la paume. Nombreuses sont les tentatives de pillage. La plupart des maisons de commerce ont été complètement vandalisées.
Par crainte d’être le prochain sur la liste, les commerçants acceptent d’agir à leur détriment. Les gérants acceptent d’être rançonnés sur une base régulière ; parfois sous haute menace dans le souci de préserver leur business.

Les gérants acceptent d’être rançonnés sur une base régulière ; parfois sous haute menace dans le souci de préserver leur business.

Remontant à la journée du 27 septembre 2019 aux environs de 11 heures du matin, un épais nuage de pillards avait couvert la ville.
Ma logique ou rien
Des hors-la-loi conjuguent agressivité et menaces avec menace de tout flamber si les propriétaires refusent d’obtempérer à leur logique de casseurs. Ainsi, le magasin électronique Image Plus de Ansell logeant la rue Duvivier Hall a été dans leur viseur.
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De justesse, Ansell Viaud a eu la vie sauve et explique : « Ils ont mis près d’une heure à ouvrir les portes du magasin. Pendant ce temps, j’ai appelé incessamment la police. Elle ne pouvait rien faire. La patrouille disponible était occupée à sauver des policiers cantonnés dans le sous-commissariat des 4 chemins pris en embuscade par des manifestants en furie. Pour calmer l’ardeur des pillards prêts à tout, j’ai dû donner une forte somme d’argent ». 
Le Magasin Prestige Multi Services situé à la rue Nicolas Geffrard a connu le même scénario. « Lorsque j’ai appris que des gens avaient commencé à saboter la porte d’entrée, à mes risques et périls je me suis rendu sur les lieux. C’est à ce moment-là que j’ai vu la foule massée devant l’édifice» rapporte Carrier Jean Robert, le propriétaire du magasin.
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Et d’ajouter: « Pioche, masse, machette en main essayant de tout casser. Certains dans la foule s’opposaient à l’idée de piller le magasin disant que je suis un paisible citoyen non impliqué dans la politique. Mais, d’autres m’ont agressé et ont essayé de me dépouiller. Ils m’ont exigé une forte somme d’argent. Devant la gravité de la situation, j’ai tiré une liasse de billets en l’air et un inconnu m’a pris à l’arrière d’une moto pour me ramener chez moi. À force d’être tripoté, j’ai perdu un de mes souliers », raconte Carrier Jean Robert. Depuis, l’homme d’affaires se laisse régulièrement rançonner pour garder son magasin sain et sauf, avoue-t-il.
Toujours dans la même foulée, un dépôt de produits alimentaires se trouvant à la rue Simon Bolivar à hauteur de La Savane a essuyé de nombreuses tentatives de pillages. Ils ont demandé jusqu’à douze mille dollars américains pour ne pas tout saccager, selon Jonas le propriétaire.
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Récemment. Dans la soirée du vendredi 18 au samedi 19 octobre, sur la route menant à la plage de Gelée, des individus armés ont braqué plusieurs hôtels parmi lesquels l’établissement Mandarine.
Ils étaient plus d’une cinquantaine munis d’armes à feu, armes blanches, piques, pioches. Ils ont défoncé la barrière et emporté presque tout ce qui se trouvait à l’intérieur de l’hôtel. Les deux dépôts ont été complètement vidés, a rapporté Jean, le gardien. « J’ai appelé la police à maintes reprises, malheureusement, elle n’a pas pu intervenir à cause du pont complètement barricadé qui rendait inaccessible l’entrée de l’hôtel, selon les dires de la police continue le gardien.
On ne peut continuer ainsi
Par rapport à ce climat délétère on ne peut pas continuer à investir dans ce pays où tout est faille”, a indiqué Jean Chéry, propriétaire de l’hôtel. La veille, des individus armés de pistolets lui ont demandé dix mille dollars américains sous peine de brûler sa station d’essence située au boulevard des 4 chemins. Jean Chéry dit être incapable de supporter cette pression au quotidien.
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Par ailleurs, l’un des meneurs de l’opposition politique dans la ville des Cayes, Léon Pierre Antoine dézingue les forces qu’il qualifie “d’anti-changements” parce que, dit-il, “ces gens qui attaquent les maisons de commerce ont été envoyés par un secteur bien déterminé pour ternir et discréditer le mouvement légitime de l’opposition dans le sud.”
Pendant que commerçants et hommes d’affaires expriment leur exaspération, les actes d’insécurité s’intensifient. Les individus armés règnent en seigneur. Et la rançon devient monnaie courante.
À quand le retour à l’ordre dans la ville des Cayes ?
Eidict Louis depuis la ville des Cayes pour Ayibopost