Perspectives 2020

Depuis un certain temps, l’espace politique d’Haïti est envahi par des artistes: musiciens, comédiens etc. On les a déjà vus à la présidence et au parlement. Certains autres sont encore en pleine campagne pour occuper des fonctions électives.Tout ceci est bien beau. Cela prouve l’intérêt que portent tous les groupes sociaux au développement et au progrès du pays.

Cependant les artistes sont toujours appelés à divertir, à distraire, à faire rire. Ils font partie du monde culturel et ont pour mission de créer des loisirs: ce qui, d’ailleurs, manque considérablement dans notre milieu où les gens sont souvent stressés.

Il arrive cependant que les tenants des activités artistiques n’entendent plus s’arc-bouter dans leur champ spécifique. Ils veulent presque tous abandonner le podium pour entrer d’emblée dans l’arène politique. Or la politique a des préoccupations bien autrement que celles visées par le monde des arts. Vouloir faire de la politique exige des préparations adéquates et pointues pour comprendre l’homme et son environnement car l’essence même de la politique est la construction de la cité et l’organisation de l’Etat par la bonne gouvernance. Elle crée des opportunités pour que les concitoyens aient de bonnes conditions de vie dans la paix, l’harmonie, la concorde. Vu sous cet angle, certains ont même dit que la politique est plus compliquée que les mathématiques supérieures, car elle embrasse tous les besoins de l’homme: être divers, ondoyant, complexe. Aussi s’engager dans la politique exige de solides formations en sciences sociales telles que le droit, la sociologie, la diplomatie, la planification, l’économie, l’anthropologie, l’histoire ancienne et contemporaine, la géographie etc et même avoir la faculté de pouvoir s’exprimer convenablement en plusieurs langues. Confier le pouvoir à des personnalités qui ignorent ces disciplines et agissent seulement sur l’émotion, la sensibilité, le goût de plaire pour susciter le rire comme thérapie est un suicide collectif surtout dans une société rongée par la misère abjecte où les gens sont sans emploi, meurent de faim, se prostituent, vivent en mendiants, habitent dans des taudis malodorants sans hygiène, sans eau, sans électricité, sans toilette moderne. En 2020, peut-on continuer à s’amuser en chemin alors que nos voisins évoluent à grands pas? On doit être conscient que Haïti est très en retard. C’est le seul pays du PMA des Caraïbes et du Continent des Amériques.

A ce Carrefour où se situe le pays, il faut organiser un complot de tous les dignes fils du pays_sans exclusivité de rang et de couleur_alliés à des étrangers moraux, solidaires, humanistes pour dire “ NON ” avec force et détermination à notre situation de peuple et pour bloquer cette descente aux enfers en vue de dynamiser et d’orienter le pays sur la voie du progrès réel et d’acheminer la population dans toutes ses composantes vers de meilleures conditions en faisant des choix de dirigeants compétents, expérimentés, honnêtes et responsables.

Pour sortir de ce carcan, Haïti a besoin des idéologues objectifs et pragmatiques et non des rêveurs et des utopistes, des leaders de partis politiques éclairés, une opposition constructive, institutionnelle, non anarcho-populiste ayant pour objectifs le chaos et l’instabilité; mais encore et surtout il  faut ouvrir le pays à la science et à la technologie à travers des recherches universitaires.

Je formule aussi pour mon pays le voeu d’un Etat fort, stable et respecté, uni dans la paix, le travail et la justice sociale, inscrit dans la logique de progrès et de développement durable; d’un Etat capable de mettre en déroute et même d’éradiquer les gangs et les bandits armés pour faciliter la libre circulation des citoyens, le fonctionnement régulier des écoles et des universités, la relance des activités du secteur privé et du secteur informel, la possibilité pour les investissements nationaux et étrangers, l’élaboration de bonnes lois de finances ou budget équilibré, conformes aux besoins et à la réalité du pays, la mise en place des structures devant aboutir à une nouvelle constitution et l’organisation de bonnes élections au niveau du sénat, de la chambre des députes, des mairies et des casecs en attendant que l’on arrive aux présidentielles.

Tels sont mes souhaits légitimes et profonds pour mon pays à la veille de  la nouvelle année 2020 qui se doit d’être bien différente de celles tristement vécues pendant les années précédentes.

Que Dieu protége Haïti et assagisse les aspirants dirigeants!

Yves Hubert Barreau
Léogane, 11 Décembre 2019