Missions et voyages, quand nos parlementaires vont voir ailleurs

Le Sénat et la Chambre des députés sont dysfonctionnels depuis que le diable était caporal. Il y a pas de gouvernement depuis le temps où la petite concombre se battait avec l’aubergine. Mais voilà que sénateur, députés et leurs conseillers se baladent à travers le monde pour inspecter nos ambassades qui n’ont pas de mission.

On croyait les députés et sénateurs, honorables pensionnaires des meilleurs postes de la République, guéris de l’attraction des feux de l’actualité. En vacances, vivant les dernières semaines de leur mandat, sans pression ni attente de la population, on espérait nos chers élus débarrassés de l’envie de faire parler d’eux.

C’était se tromper de bonne foi.

Le jeudi 12 décembre, et le Sénat et la Chambre des députés se sont rappelés au bon souvenir de la population. Une délégation conduite par le président du Sénat lui-même doit se rendre avant la Noël à Londres pour inspecter la grande mission diplomatique haïtienne en Angleterre composée de trois personnes. Pour ne pas être en reste, sept députés ont monté une solide délégation pour faire de même à Paris. Les députés envisagent de passer la nuit de Noël sur les lieux pour être sûrs de rencontrer le Père Noël et le petit Jésus.

Que des parlementaires inspectent des excroissances territoriales de la République d’Haïti, cela n’a rien de surprenant ni d’interdit. Ce n’est pas la première fois non plus. Selon une source au courant des mœurs diplomatico-parlementaires, aucune des missions d’inspection de nos élus n’a accouché de rapport passé à l’histoire. Mais on a peine à compter les nouvelles nominations qui ont suivi chaque passage de parlementaires dans nos ambassades et nos consulats.

Pour ce qu’il est du timing de ces deux missions, mis à part le fait que l’époque des fêtes ne s’y prête pas, les observateurs soulignent qu’il n’y aura plus de séance pour l’actuelle législature. Devant qui les élus vont-ils raconter leur voyage ? À qui vont-ils faire des recommandations quand on sait que l’actuel gouvernement démissionnaire n’a pas son entrée au Parlement ? Et que les prochaines élections n’ont pas de calendrier connu ?

Ces quelques millions de gourdes dépensées pour de mauvaises raisons par des parlementaires sur les sept et quelques milliards de gourdes brûlées par nos élus chaque année ne sont qu’un signe supplémentaire de la majesté de la mauvaise gouvernance à tous les niveaux dans les institutions nationales.

Nos parlementaires, faut-il le rappeler, ne votent des lois nécessaires à la bonne marche du pays ni ne contrôlent la bonne marche de l’État comme ils en ont la responsabilité. Mais jamais ils ne manqueront de dépenser chaque ligne de leur fameux budget.

Jamais il n’est question de visite d’inspection de nos hôpitaux, de nos écoles, de l’université ou du service de ramassage des ordures. Les points névralgiques, là où l’action se passe, là ou la République va mal, là où on l’aurait besoin de l’œil averti et inquisiteur de nos élus payés pour nous servir il n’y a personne. Cela ne les intéresse pas.

Faut-il crier pour autant « À bas le Parlement » ? Oh ! que non. Il ne faut pas jeter la cuvette ni la pratique du bain. Le problème vient des mauvais bébés de nos législatures qui détournent leurs missions pour aller voir ailleurs.

Edito du Nouvelliste