10 ans après le séisme : le système de santé s’effondre, les besoins augmentent

Mis à mal par le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le système de santé haïtien peine à se relever 10 ans après. La situation n’est pas meilleure qu’avant le séisme qui a fait 300 000 morts. Elle va de mal en pis suite au dysfonctionnement des hôpitaux publics de référence du pays. L’importante aide humanitaire reçue au lendemain du tremblement de terre n’a résolu que des problèmes ponctuels. Aujourd’hui, avec un patient se trouvant entre la vie et la mort, il faut faire le tour de Port-au-Prince pour trouver un hôpital pouvant le prendre en charge.

« La situation est encore pire que ce que nous imaginions. Il est nécessaire que d’autres acteurs se mobilisent pour répondre aux besoins médicaux actuels ». 10 ans après, voilà la déclaration du chef de mission de Médecins sans Frontières (MSF) France en Haïti. Hassan Issa dresse un portrait alarmant de la situation sanitaire du pays. C’est cette situation critique qui a poussé cette branche de l’organisation humanitaire à reprendre en novembre 2019 le projet du centre de traumatologie de Tabarre, abandonné en décembre 2018 par MSF Belgique.

« Alors que la plupart des gravats ont été déblayés, que de nouvelles structures hospitalières ont été reconstruites, le système de santé du pays, miné par la crise politique et économique, est à nouveau «au bord de l’effondrement», a conclu un rapport de MSF produit à l’occasion de la 10e commémoration du tremblement de terre. Ce rapport souligne la détérioration des installations médicales dans un système de santé au bord du gouffre.

 « Nous voulons attirer l’attention sur les besoins, 10 ans plus tard. Il n’est pas normal, dans des cas extrêmes, de prendre cinq heures en chemin pour référer des patients. Il n’est pas normal que les victimes de violence ne puissent pas se rendre dans une structure de soins. Il n’est pas normal que dès qu’on ouvre un hôpital de traumatologie, celui-ci est débordé après quelques semaines et plus de la moitié des patients sont des victimes de violence de blessures par balle », a critiqué Sandra Lamarque, cheffe de mission de MSF Belgique, en conférence de presse ce jeudi 9 janvier, dans les locaux de MSF à Pétion-Ville.

Les défis auquels fait face le système sont légion. Du fait de la pénurie de médicaments, d’oxygène, de sang, du matériel médical ou de carburant et de déficit de ressources humanitaires, les structures médicales du pays peinent à fournir des soins de santé de base.

« Il y a quelques jours, nous avons eu du mal à référer une femme enceinte avec des complications de grossesse qui s’est présentée dans un centre  de santé qu’appuie le MSF à Port-à-Piment (département du Sud). Quand on se rend à une première structure, on vous dit qu’il n’y a pas d’électricité car il n’a pas de carburant. Dans le cas de la deuxième, on vous dit que le spécialiste n’est pas là. Pour la troisième, on vous dit qu’il n’y a pas de sang et que si vous voulez référer cette patiente, il faut la transférer avec quatre  donneurs qui seront en mesure de donner leur sang », tempête Sandra Lamarque, soulignant que la référence hospitalière est un défi quotidien.

Abondant dans le même sens, le Dr Sophia C. Woolley, coordonnatrice médicale à MSF, précise qu’ « aujourd’hui, avec un patient se trouvant entre la vie et la mort, il faut faire le tour de Port-au-Prince pour trouver un hôpital pouvant le prendre en charge ».  10 ans après, certains hôpitaux qui ont été détruits par le séisme sont reconstruits tandis que, pour d’autres, les travaux traînent. C’est le cas du plus grand centre hospitalier du pays l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) qui fonctionne dans des conditions exécrables. Le médecin appelle les autorités sanitaires à faire de leur mieux pour renforcer l’hôpital public de Port-Salut. « Nous souhaitons vraiment que les acteurs qui travaillent dans le domaine dans la santé (public, privé, humanitaire ou autres) investissent davantage », a souhaité Sandra Lamarque, rappelant que 60% des infrastructures du système sanitaire ont été détruits. 10% du personnel médical a péri sous les décombres, selon le rapport du MSF.

Malgré l’ampleur de l’aide humanitaire reçue au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, les besoins cruciaux en matière d’accès aux soins de santé demeurent. La plupart des acteurs humanitaires médicaux ont quitté le pays où sont sur le point de le faire, alors que la population continue d’éprouver de grandes difficultés pour accéder à des soins de santé. Pendant que l’Etat diminue son allocation budgétaire à la santé, limitant ainsi les hôpitaux publics dans leur mission, les coûts des soins de santé augmentent dans le secteur privé.

Le Dr Sophia C. Woolley explique que l’appui de MSF au ministère de la Santé publique ne sera jamais suffisant pour combler les lacunes de notre système. Il faut l’implication de tous.

Edrid St Juste source le nouvelliste