Des sénateurs saisissent le tribunal correctionnel contre Jovenel Moïse et consorts

À défaut de pouvoir saisir la justice administrative, les sénateurs Jean Renel Sénatus, Jean Marie Jr Salomon et Dieupie Chérubin ont exercé, le mercredi 15 janvier 2020, une action devant le tribunal de première instance de Port-au-Prince en ses attributions correctionnelles. Ce triumvirat estime que les prévenus, à savoir le chef de l’État et son conseiller Jude Charles Faustin, ont abusé de leurs fonctions et de leur autorité contre la chose publique. Laquelle infraction est prévue et punie par l’article 28 du code pénal.

Les sénateurs Jean Renel Sénatus, Jean Marie Junior Salomon et Dieupie Chérubin, dont les mandats sont contestés, ont, entre autres, assigné le président Jovenel Moïse, ses conseillers Jude Charles Faustin et Liné Bathalzar à se présenter au tribunal de première instance de Port-au-Prince, en ses attributions correctionnelles, dans un délai de trois jours francs, dès 10 heures du matin. Considérant le message publié sur le compte Twitter officiel du chef de l’État et son point de presse en date du 13 janvier 2020, au cours duquel il a déclaré constater la caducité du Parlement, les demandeurs estiment qu’il abuse de «sa fonction de président» et qu’il «a violé la loi électorale».

Corroborant les dires du garant de la bonne marche des institutions étatiques lors de sa participation à une émission radiodiffusée le même jour, le conseiller Jude Charles Faustin, pour les sénateurs, «par ses déclarations, se fait complice des actes du président de la République». Ce dernier avait expliqué qu’en 2018 Jovenel Moïse et des sénateurs se sont accordés pour proroger leurs mandats à quatre ans. En ce sens, rappellent les élus du peuple, cet abus de fonction commis est réprimé par l’article 5.5 de la loi du 9 mai 2014, portant prévention et répression de la corruption.

Les parties demanderesses ont souligné que les abus qu’ils dénoncent ont été matérialisés lorsque des agents du Corps d’intervention et de maintien d’ordre les ont empêchés, le 14 janvier, d’entrer au Parlement. «Cet emploi de la force publique a été fait contre l’exécution des articles 50.3 et 239 du décret électoral en vigueur», lit-on. Une telle démarche constitue pour eux une dérogation aux dispositions des articles 149 et 150 du code pénal. Somme toute, «le président a enfreint la Constitution en ses articles 94.2, 95.1, 112.2, 136 ; la Convention américaine relative aux droits de l’homme en son article 23 ; le décret électoral en ses articles 50.3, 50.7, 239».

Les sénateurs requièrent le tribunal à se déclarer compétent, faire comparaitre les prévenus et, éventuellement, saisir le cabinet d’instruction. En outre, ils appellent les autorités judiciaires saisies à «reconnaitre que le président de la République a enfreint la Constitution, la Convention américaine relative aux droits de l’homme, le décret électoral » et à condamner le chef de l’État et son complice Jude Charles Faustin pour abus de fonction, abus d’autorité contre la chose publique.

«Les condamner à la dégradation civique en application de l’article 28 du code pénal : reconnaitre le droit des requérants à intenter toute action au civil en réparation pour les préjudices subis en temps et au moment opportuns ; condamner le prévenu et son complice aux frais de l’instance ». Telles sont des intentions de la partie demanderesse.

Il convient toutefois de souligner qu’en vertu du respect de la hiérarchie des normes, le président est passible seul devant la haute cour de justice. Ce, en vertu de l’article186 alinéa a de la Constitution. À quoi donc s’attendre de cette démarche des sénateurs protestataires ?

Caleb Lefevre source le nouvelliste