Devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, Marie Yolène Gilles a dénoncé jeudi les violations massives des droits humains en Haïti

Vendredi 21 février 2020 ((rezonodwes.com))– Marie Yolene Gilles, Directrice exécutive de la Fondasyon Je Klere (FJKL), dans une présentation jeudi devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, a fait état de 30 cas de mort violente depuis le début de l’année en Haiti.

Présentant son organisation comme étant une ONG haïtienne de défense des droits humains, « qui prépare chaque Haïtien-Haïtienne à devenir un leader responsable et citoyen, participant à la vie publique pour le renouvellement d’un État-nation fondé sur les principes de droits humains et du développement durable », la militante a affirmé que l’État perd, à ses yeux, le monopole de la « violence légitime » dans le pays.

Face aux violations massives et systématiques des droits de l’homme constatées en Haïti, les autorités de l’État manquent à leur obligation de protéger et respecter ces droits, a dénoncé Mme Gilles.    Elle en a voulu pour preuve le fait que des zones entières sont aujourd’hui contrôlées par des gangs armés qui sont parfois mieux armés et mieux équipés que les forces de l’ordre responsables de l’application de la loi.  

Pour tenter d’exister politiquement, le pouvoir en place s’appuie dans bien des cas sur certains gangs et applique la stratégie de la guerre des gangs, a-t-elle expliqué.  C’est, selon elle, ce à quoi on assiste dans la zone de Martissant, à moins de 5 km du palais présidentiel, ou encore dans la zone de Carrefour Shada, sur la route nationale numéro 1, et dans d’autres régions du pays où plus de 150 gangs armés sont actifs.  

De fait, a souligné Mme Gilles, la liberté de circulation n’est pas garantie, tout comme le droit à l’intégrité physique et à la dignité de la personne humaine.  Dans ce contexte, a-t-elle relevé, une véritable psychose de peur s’empare des étudiants en université, des écoliers et de la population civile en général.  Les personnes séquestrées et les usagers des routes nationales interceptés sont soumis à des mauvais traitements et font l’objet de versements de rançons, tandis que des femmes sont violées collectivement: les images de ces crimes sont régulièrement publiées sur les réseaux sociaux, a témoigné Mme Gilles.

Pendant ce temps, a-t-elle déploré, les portes des tribunaux à Port-au-Prince sont fermées depuis septembre 2019.  Il s’ensuit une nette augmentation de la détention préventive prolongée.  De plus, l’accès aux juges, ainsi que le droit à un procès juste et équitable ne sont plus que des mots creux.  La Directrice exécutive de la FJKL a également dénoncé les agissements d’escadrons de la mort, qui représentent une forme de terrorisme d’État et mettent en œuvre la politique de répression décidée par les plus hauts échelons du pouvoir, ou avec leur accord tacite, leur garantissant l’impunité officielle. 

Abordant ensuite la question de la corruption, Mme Gilles a noté qu’Haïti est un des rares pays au monde où un homme, ou une femme, qui n’a jamais travaillé dans sa vie et accède à un poste électif au niveau du Parlement ou de l’exécutif peut devenir millionnaire en deux ou trois ans.  À cet égard, a-t-elle souligné, la loi sur la déclaration de patrimoine adoptée en février 2018 est appliquée de façon très différente selon les cas: l’immense majorité de la classe politique haïtienne n’a pas respecté cette obligation à sa sortie de fonction.  

Par ailleurs, la gestion du fonds Petro Caribe est marquée par des cas de surfacturation, de vols, de détournements de fonds, de favoritisme et d’enrichissement illicite, a-t-elle accusé.  Selon Mme Gilles, l’actuel chef de l’État, impliqué dans ces actes de corruption et de détournement de fonds publics à travers des « firmes bidon », représente le plus grand obstacle à la tenue de procès justes et équitables sur la gestion de ces fonds.

Face à cette situation catastrophique, dans un pays privé de gouvernement depuis près d’un an et où l’ordre constitutionnel est rompu, Mme Gilles a recommandé au Conseil d’aider Haïti à réussir sa période de transition en vue du retour à l’ordre démocratique brisé depuis le 13 janvier, ce qui pourra arriver s’il y a un consensus entre les forces vives de la nation.  

Elle a d’autre part souhaité le soutien du Conseil pour la création d’une unité spécialisée de lutte contre les gangs armés au sein de la police nationale et l’organisation d’un procès sur la gestion du fonds Petro Caribe, les massacres et les cas de viols.  Enfin, elle a demandé une assistance pour lutter contre la corruption par le biais d’un renforcement du cadre normatif du pays.