Maismy-Mary Fleurant, un nouveau docteur en droit pour Ouanaminthe et Haïti

Maitre Maismy-Mary Fleurant, intellectuel hors pair et citoyen engagé!

Ce jeudi 7 mai 2020, Me Maismy-Mary Fleurant a défendu sa thèse de doctorat chez lui à Ouanaminthe par l’intermédiaire d’une plateforme virtuelle concoctée par la Faculté des études supérieures et la Faculté de droit de l’Université Laval du Québec au Canada. Les exigences du confinement et de la fermeture des frontières dues à la pandémie Covid-19 se sont finalement imposées. Toutefois, les grands malheurs ne font pas toujours le plus grand mal absolument. Partir étudier pour revenir, comme par hasard, défendre sa thèse de pied ferme, dans son chez-soi et parmi les siens, est un cadeau inespéré et inestimable pour un homme en amour fou avec sa ville natale. 

Ce bienheureux savant qu’il convient d’honorer vient d’être salué en effet avec tous les honneurs du jury pour sa thèse intitulée : « Les changements climatiques en Haïti : pour la résilience socio-écologique des populations par l’adaptation dans le domaine de l’agriculture. Possibilités et limites du droit ». 

Sur le site de l’Université Laval, le chercheur résume ainsi son travail : « L’adaptation aux changements climatiques est un défi majeur pour Haïti, petit État insulaire pauvre de la Caraïbe, qui subit fortement les impacts du phénomène surtout dans l’agriculture, secteur vital pour l’économie de ce pays. Cependant, s’il existe un cadre juridique international de lutte contre les changements climatiques avec une norme et des mécanismes institutionnels et juridiques pour l’adaptation, des faiblesses dans la mise en œuvre sont constatées au niveau local. Le cadre juridique et institutionnel local est aussi très pauvre. En d’autres termes, les insuffisances et la pauvreté du cadre juridique et institutionnel local et les faiblesses dans la mise en œuvre du cadre juridique international ne contribuent pas à la résilience des populations d’Haïti aux changements climatiques et à son adaptation particulièrement dans le secteur de l’agriculture. Le travail se base sur une méthodologie à deux approches – l’approche documentaire classique et l’approche critique du droit – et un argumentaire construit en deux parties : la première portant sur la résilience socio-écologique comme adaptation aux changements climatiques dans le domaine de l’agriculture et la seconde sur l’actualisation du cadre juridique et institutionnel interne en adéquation avec le cadre juridique international ». 

Saluée pour sa limpidité et sa pertinence scientifique, dès la fin de la soutenance, la thèse a été unanimement recommandée par le jury pour publication aux illustres presses universitaires de l’université Laval (PUL). Rien de surprenant, l’homme a toujours brillé partout et en tout, mais sans aucune facilité gratuite. C’est une longue histoire de lutte et de réussite qui a commencé à Ouanaminthe où il est né, où il habite encore et choisit d’y rester comme son père pour toujours ! En effet, après avoir appris à lire et à écrire à la maternelle des Sœurs de Saint-François d’assise, il fit de brillantes études primaires à l’Institution Saint-François Xavier des Frères de l’Institution Chrétienne de la ville. Aujourd’hui encore il reste si attaché à ces deux écoles qu’il est membre de leurs associations d’anciens élèves, notamment le président de l’Amicale des Anciens des Frères de l’Instruction Chrétienne de Ouanaminthe (AFICO). 

Me Fafa, tel qu’il est affectivement surnommé par les ouanaminthais, est aussi fils du Grand Nord. Il a fait ses études secondaires au Collège Notre-Dame du Perpétuel Secours du Cap-Haïtien et des études de Licence en droit à la Faculté de droit de Fort-Liberté. Devenu avocat et professeur de lettres et de philosophie au lycée de la ville et dans d’autres institutions scolaires du Nord-est, il continua d’agrandir ses projets intellectuels. Il suivit donc des cours au prestigieux Institut International des Droits de l’Homme René Cassin à Strasbourg et dans cette même ville les séminaires du Centre International pour l’Enseignement des Droits de l’Homme à l’Université (CIEDHU). Il obtint successivement deux masters dans deux grandes universités françaises : l’un en droit international et comparé de l’environnement à l’Université de Limoges et l’autre en droit international et européen des droits fondamentaux de l’Université de Nantes autour du thème : « la protection juridique de la femme victime de violences sexuelles en Haïti ». Le premier travail a d’ailleurs été publié en 2014 par le Centre de Recherche, de Réflexion, de Formation et d’Action Sociale (CERFAS) sous le titre : La gestion durable des cours d’eau transfrontaliers d’Haïti et de la République Dominicaine – Problématique, Constats et Perspectives.

Poète de la résilience des cœurs et de l’esprit, il a aussi publié chez l’édition CIDIHCA de Montréal un recueil de poèmes titré Les semences de l’espoir. il y a mis tout son talent littéraire au profit de la reconstruction psychologique de l’homme et de la femme haïtiens dans le contexte post-traumatique du séisme du 12 janvier 2010. 

Spécialiste des droits humains, Me Fleurant a été aussi de 2006 à 2015 fonctionnaire du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme à travers la Section Droits Humains de la Minustah d’abord comme officier des droits de l’homme puis responsable du bureau régional du Nord-est. De 2016 à 2018, il fut également Conseiller Spécial du Ministre au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe. À date, il enseigne le droit à la Faculté de Droit, des Sciences Économiques et de Gestion du Cap-Haïtien de l’Université d’État d’Haïti. Par ailleurs, il assure bénévolement les fonctions de membre du Conseil d’Administration de Solidarite Fwontalye/ Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants, conseiller juridique du Diocèse de Fort-Liberté et membre du Comité de suivi du Plan Communal de Ouanaminthe. 

Déjà appelé ironiquement « Docteur papa » par ses trois fils, cet homme, enfin, qui honnit les bruits tapageurs et souvent creux de la métropole port-au-princienne voudra sans doute continuer à vivre paisiblement dans sa Ouanaminthe natale tout en restant ouvert sur le monde et à son service. C’est sa manière de vivre en toute modestie, mais sans isolement stérile. Les ouanaminthais en seront les plus heureux. Au lieu de l’appeler Me Fafa comme d’habitude, certains vont désormais le surnommer « Docteur Fleurant ou Docteur Fafa ». Il en sourira sans doute. Les corrigera peut-être. Ou peut-être pas, ne serait-ce qu’en hommage aux efforts et sacrifices consentis. L’humilité n’exclut nullement l’auto-reconnaissance juste et consciente de sa capacité et de ses acquis. Pourtant, le titre ne lui montera jamais à la tête. Il restera sans doute le même homme de toujours, l’ami fidèle des petites choses essentielles de la vie, c’est-à-dire : un mari chanceux d’avoir une épouse admirable, un père de famille affectueux et casanier, un chercheur curieux assoiffé d’apprendre, un humble enseignant proche de ses étudiants, un collègue généreux et chaleureux, un citoyen visionnaire, bénévolement, mais passionnément engagé dans la société civile de son pays. Le secret est de tout donner pour ne pas fuir et du même coup travailler à rendre possible le rêve d’une Ouanaminthe meilleure et d’un Haïti enfin développé. De cette étoffe rare, la tête altière dans le ciel, mais les pieds sur terre et le cœur parmi les gens, ne devraient-ils pas être faits tous nos intellectuels ? 

Smith Augustin