Haïti : Covid-19 devait accélérer le processus de la transformation digitale

Les statistiques indiquent que moins de trois haïtiens sur dix ont accès à internet. Haïti figure parmi les pays avec le plus faible taux de pénétration du mobile et de l’internet, comme le Guatemala, le Nicaragua et le Honduras.

L’écosystème numérique haïtien, quoique faible et immature, s’est renforcé pendant les dix (10) dernières années. Des efforts sont réalisés; cependant, ils sont peu suffisants jusque-là. L’absence de réflexion stratégique, de politique publique, le faible pouvoir d’achat des citoyens, le manque d’investissement, l’énergie, sont autant d’obstacles au développement du numérique. Difficile d’avoir des services de qualité, à des prix abordables, dans un tel environnement.

Le secteur numérique fait face à beaucoup de contraintes qui entravent son développement global. Aucun signal réel ne montre que la situation va s’améliorer. Il ne constitue pas une priorité pour les élites et les dirigeants, alors que sa contribution dans l’assiette fiscale est très considérable. Le numérique est un pilier pour accroitre et moderniser l’économie, favoriser la participation et créer de nombreux emplois chez les jeunes.

Cependant, les acteurs ne suivent pas la dynamique et leurs actions ne sont pas harmonisées. En dépit des initiatives, les jeunes ne sont ni encadrés ni encouragés. Le secteur public ne sait pas ce que fait le secteur privé; le secteur privé n’est pas connecté à l’université.

Qu’avons-nous tiré de la pandémie de Covid-19 sur le plan numérique?

Haïti est en passe de rater les opportunités d’engager une véritable politique du numérique pour arriver à la transformation digitale et intégrer la société de l’information. Aujourd’hui, les outils portables (plus de 6 millions de téléphones portables) sont de plus en plus accessibles aux haïtiens. Disposer des outils sans une stratégie ni une éducation aux modes de vie numérique, ne fait pas augmenter la productivité, ni renforcer la compétitivité.

On n’a pas profité des circonstances ni tiré les leçons de Covid-19 pour engager des consultations publiques, asseoir de nouvelles bases pour la modernisation des services publics et créer un environnement propice à la croissance et au développement du secteur technologique. Le virus a déjà touché plus de 25 millions de personnes à travers le monde et près d’1.5 milliards d’élèves dans plus de 170 pays ont dû rester chez eux à cause de la fermeture des établissements scolaires.

Covid-19 bouleverse tous les acteurs, le secteur privé, la société civile, l’état, l’université, les médias. Il a changé notre façon de vivre, nos pratiques et nos organisations. Rien ne sera plus comme avant, dans certains domaines. Les télé-réunions, les visioconférences, les concerts virtuels se sont multipliés depuis le confinement. Les besoins d’efficacité et d’amélioration de la productivité ont précipité certaines mutations. Le coronavirus nous montre pourquoi l’accès numérique doit être considéré comme un service public, comme l’électricité.

Perspectives pour le numérique

La crise engendrée par la pandémie de Covid-19 devait servir de catalyseur pour transformer le système éducatif haïtien et d’accélérateur pour moderniser l’économie, par le biais du numérique, en tant que facteur déterminant de développement. Webinaires, conférences virtuelles, entretiens d’embauche, plateformes, télétravail, tout ceci nous montre que les habitudes changent autour de nous et que l’apprentissage et le travail se réinventent à l’écran.

La Covid-19 oblige les entreprises et les organisations à réfléchir sur des politiques de télétravail. Cependant, elles butent contre deux obstacles majeurs : la disponibilité de l’internet et la transformation digitale des entreprises et organisations elles-mêmes. Le télétravail continuera à être un défi majeur pour beaucoup d’institutions. Aussi il n’est pas adapté à tous les secteurs d’activités ni à toutes les structures d’une entreprise.

COVID-19 a suscité un intérêt accru pour les monnaies électroniques et virtuelles dans le monde. L’état et les autres acteurs doit renforcer leurs capacités et créer un environnement favorable aux investissements, à l’innovation technologique et à l’inclusion numérique. Il n’y a pas d’innovation sans la recherche, et pas de recherche en dehors de l’université.

La pandémie de Covid-19 a aussi amplifié la fracture numérique. Les jeunes, pour des raisons financières et le monde rural sont particulièrement les plus touchés par cette inégalité sociale. Il est nécessaire d’engager des réformes institutionnelles, fiscales, légales et réglementaires, pour favoriser l’attractivité et la croissance d’une infrastructure technologique résiliente et soutenir la recherche et le développement de services innovants.

Les pays disposant de capacités technologiques adéquates étaient les mieux outillés pour répondre aux défis immédiats d’offrir des services comme l’éducation en ligne et la santé. Le numérique se doit d’être la cheville ouvrière de la relance de l’économie post-Covid-19.

Jean Marie Altéma
Spécialiste en technologies numériques

Disponible ici https://www.altemajeanmarie.com/2020/09/haiti-covid-19-devait-accelerer-le-processus-de-la-transformation-digitale/

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