Tirer parti des atouts de l’identification numérique

Vendredi 11 septembre 2020 ((rezonodwes.com))– La pandémie de coronavirus (COVID-19) a mis à rude épreuve la capacité des pouvoirs publics à apporter une aide financière et sous d’autres formes aux personnes vulnérables.

Bien que 200 pays et territoires aient déjà prévu ou mis en œuvre (a) des mesures de protection sociale en réponse à la pandémie, de nombreux gouvernements ont eu du mal à identifier les travailleurs informels qui ne sont pas couverts par les programmes d’aide sociale existants ou les régimes de sécurité sociale dont bénéficient les salariés du secteur formel. Aider les personnes dans le besoin est en outre devenu encore plus difficile en raison des règles de distanciation sociale et des mesures de confinement.

Pourtant, dans certains pays, les systèmes d’identification numérique ont permis aux autorités de recenser ces populations de manière fiable et à distance. Elles ont ainsi pu effectuer des transferts en espèces d’urgence en faveur des groupes vulnérables , comme les femmes et les filles, les pauvres, les travailleurs migrants informels, les habitants des zones reculées et les réfugiés. 

Par exemple, grâce à un système d’identification numérique, le Chili a pu rapidement pré-enregistrer des millions de nouveaux bénéficiaires des programmes sociaux, et à ces derniers de vérifier leur statut pour, si nécessaire, déposer un recours en ligne. En Thaïlande, où plus de 28 millions de personnes ont sollicité une nouvelle allocation destinée aux travailleurs informels affectés par la pandémie, le gouvernement a pu filtrer ceux qui pouvaient recevoir l’aide d’autres dispositifs. Et récemment, dans le cadre d’un programme d’inclusion financière, les autorités indiennes ont pu effectuer des versements rapides en faveur de plus de 200 millions de femmes grâce à l’amélioration de procédures qui associent le compte d’un individu avec son identité numérique.

Toutefois, l’identification numérique ne constitue pas en soi une solution miracle pour atteindre les groupes vulnérables , car avant tout, ces systèmes supposent un accès abordable aux infrastructures numériques. Lorsqu’elle existe, l’identification numérique fournit néanmoins une base sur laquelle développer d’autres applications et systèmes très utiles. Et comme les systèmes d’identification numérique permettent aux personnes d’effectuer des transactions à distance, ils peuvent également faciliter les paiements électroniques (transactions sans espèces) et une meilleure gouvernance des données (transactions dématérialisées mais préservant la vie privée).

Si l’identification numérique, les paiements électroniques et la gouvernance des données sont chacun des éléments importants, quand ils sont réunis ils constituent un bien commun puissant. 

Leur combinaison est aussi primordiale pour les économies d’aujourd’hui que les routes et les chemins de fer l’étaient pour celles du XXe siècle. Ainsi, des pays comme l’Estonie et Singapour ont mis en place des écosystèmes numériques perfectionnés qui permettent aux citoyens d’accéder aux services gouvernementaux et commerciaux entièrement en ligne, ce qui a en partie atténué les perturbations économiques liées au coronavirus.

“Alors que les pays s’efforcent de « reconstruire en mieux » après la pandémie, ils ont une occasion formidable de passer à une économie plus numérique, et de le faire de manière responsable. Quel que soit le modèle qu’ils choisissent, les gouvernements peuvent transformer la vie de leurs citoyens, partout dans le monde, en mettant en place des systèmes d’identification numérique conçus pour protéger la vie privée tout en favorisant l’inclusion et la confiance. ”

Avec les progrès de la numérisation, les opinions sur la protection des données évoluent en profondeur. Les cas très médiatisés de violation et d’usage abusif de données sensibilisent à juste titre le public aux menaces qui pèsent sur leur vie privée. De nouvelles normes et réglementations offrent aux citoyens une plus grande capacité de contrôle (a) sur leurs données personnelles et de nouveaux systèmes décentralisés en ligne visent à transférer le pouvoir des tiers vers les utilisateurs. Des systèmes d’identification numérique mal préparés peuvent créer ou exacerber les risques pour les données personnelles, mais s’ils sont conçus avec soin, ils constituent un outil favorisant une utilisation et une réutilisation responsables des données, tout en permettant un contrôle par les individus.

Les systèmes d’identification numérique doivent également être conçus dans un souci d’inclusion et de confiance. L’inclusion signifie non seulement que tout le monde peut s’inscrire, mais aussi que chacun peut utiliser son identité numérique pour recevoir de l’aide et devenir plus autonome sur le plan économique, y compris les personnes peu instruites et ayant un accès limité à la technologie. Par ailleurs, il est essentiel que les utilisateurs aient confiance dans l’intégrité du système, notamment dans sa capacité à préserver la vie privée et les droits individuels. Cela suppose donc des mécanismes de transparence et de responsabilité efficaces.

Non seulement les bons systèmes d’identification numérique optimisent les capacités opérationnelles des gouvernements et des entreprises, mais ils profitent aussi aux citoyens et ils les protègent.  De nombreux modèles apparaissent et ils reflètent les contextes locaux. Alors que certains pays doivent commencer par mettre en place un système d’identification de base pour que chacun puisse prouver son identité officielle, d’autres comme l’Australie, le Canada et la France commencent à créer des « écosystèmes » d’identification numérique qui permettent aux personnes de choisir entre des fournisseurs d’identification publics et privés.

Quelle que soit la forme qu’ils prennent, il est urgent de mettre en place de tels systèmes. Un milliard de personnes à travers le monde n’ont toujours pas de papiers d’identité officiels, ce qui les empêche d’accéder aux services financiers et sociaux. La moitié d’entre elles vit en Afrique. Dans le cadre de l’initiative Identification for Development (ID4D) (a), la Banque mondiale investit 1,2 milliard de dollars dans plus de 30 pays en développement afin de réduire le nombre de personnes non recensées et de mettre en place de meilleurs systèmes d’identification numérique  et d’enregistrement à l’état civil, autant d’éléments pouvant contribuer à une croissance économique inclusive.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence le besoin urgent de systèmes d’identification numérique pour que les gouvernements puissent fournir une aide sociale et un soutien financier plus rapidement et de manière plus transparente  aux ménages et aux entreprises. Afin de poursuivre la recherche de solutions innovantes, ID4D a récemment lancé son deuxième « Mission Billion Challenge », un concours mondial pour trouver de nouveaux moyens permettant aux personnes les plus vulnérables de s’enregistrer et d’utiliser les cartes d’identité numériques en toute sécurité.

Alors que les pays s’efforcent de « reconstruire en mieux » après la pandémie, ils ont une occasion formidable de passer à une économie plus numérique, et de le faire de manière responsable. Quel que soit le modèle qu’ils choisissent, les gouvernements peuvent transformer la vie de leurs citoyens, partout dans le monde, en mettant en place des systèmes d’identification numérique conçus pour protéger la vie privée tout en favorisant l’inclusion et la confiance.

Mari Elka Pangestu

Directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats